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dernière revanche. Ce dernier enjeu sera plus considérable que tous les précédents, il jouera son nom, plus illustre et plus ancien qu’aucun nom de Venise. La partie s’engage, et bientôt Corsini n’est plus Corsini. Ici commence le supplice de cet homme ; il court le monde comme un damné, mendiant un nom et repoussé partout ; le prêtre lui refuse un nouveau baptême ; le bandit refuse d’associer à ses luttes un homme qui n’a pas de nom. Après plusieurs années de douleurs, il apprend que ce Doria, qui porte aujourd’hui le nom de Corsini, est un voleur, un faussaire ; il veut demander justice contre lui, mais la justice reste sourde aux plaintes d’un homme qui n’a pas de nom. Enfin, un jour, il revient auprès de Doria, qu’il trouve à l’agonie : « Avant de mourir, lui dit-il, rends-moi mon nom ; je mourrai avec toi si tu l’exiges, mais rends-moi mon nom, par pitié ! » Doria ne répondit pas : il était mort ! Il n’était guère possible de peindre plus énergiquement les misères que l’effroyable passion du jeu traîne à sa suite, d’exprimer mieux les passions du joueur ruiné.

L’épisode du Blocus continental, la Main cachée, et Léopold Spencer, sont aussi trois petits romans pleins d’intérêt.

WASHINGTON LEVERT ET SOCRATE LEBLANC. 2 vol. in-8, 1837. — Le duc Levert est un philanthrope, qui pense que tout serait bien si l’éducation, au lieu de vicier les instincts des hommes, les combattait quelquefois et les perfectionnait toujours. Desverriers, beau-frère du duc, est un égoïste qui pense que l’humanité se perfectionnera bien d’elle-même, si elle doit se perfectionner, et qu’il n’est pas besoin qu’on s’en occupe. Entre ces deux hommes se place un troisième type, type de vanité féminine, la duchesse Levert. Au moment où l’action s’engage, il vient de naître au duc Levert un gros garçon qu’il nomme Washington, et pour célébrer cet heureux événement, il fait retirer de l’hospice des enfants trouvés un enfant déposé le même jour, enfant né dans une orgie, ainsi que l’atteste un papier déposé dans son berceau ; cet enfant reçoit le nom de Socrate. Le duc emploie pour l’éducation de son fils tous les systèmes humanitaires que chaque jour voit éclore, l’initie à tous ses projets d’améliorations, et, malgré tous ses efforts, il a peine à détourner l’esprit du jeune homme au profit exclusif de la philanthropie. Socrate, élevé dans une sphère plus inférieure, n’en réussit pas moins dans tout ce qu’il entreprend d’apprendre. Les jeunes gens correspondent entre eux. Washington écrit à Socrate avec ses idées moitié mondaines et moitié philosophiques, et Socrate répond avec l’effervescence d’un enfant solitaire, qui ne connaît d’autre monde que celui de son imagination. Alors se noue forte-