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Falkland, doué des qualités les plus brillantes de l’esprit, des sentiments les plus généreux de l’âme, adoré de ses domestiques et des vassaux, chéri et respecté de ses voisins, se laisse entraîner aux plus coupables excès, assassine son ennemi, laisse périr sur l’échafaud des personnes innocentes accusées de cet assassinat dont lui seul est coupable. Chargé du poids de cet épouvantable mystère, la vie est pour lui un supplice qu’il n’endure que dans l’espoir de s’assurer encore une mémoire honorable parmi les hommes. On sent qu’aucun crime ne lui coûtera pour couvrir son premier crime d’un voile impénétrable ; que ne doit pas craindre l’infortuné que le hasard rendra maître du fatal secret ? Caleb Williams, jeune, sans expérience, poussé par une curiosité irrésistible, s’expose à cet affreux danger ; secrétaire de Falkland, il éprouve pour ce gentilhomme un mélange de respect et d’admiration ; mais différentes circonstances ont éveillé ses soupçons, qu’un malheureux génie le force à éclaircir. Sans cesse occupé du soin de parvenir à ce but, il épie toutes les actions de son maître ; aucun de ses mouvements qui décèlent une conscience coupable ne parvient à lui échapper ; enfin, il est sur le point d’ouvrir un coffre qu’il suppose devoir renfermer des renseignements positifs, lorsque Falkland le surprend ! … Son premier mouvement fut de se jeter sur ses pistolets et de se défaire de l’indiscret. Mais la réflexion succédant à la colère, il épargne sa vie et le laisse sortir. Le soir, il le fait venir devant lui, et après lui avoir fait prêter serment de ne jamais dévoiler ce qu’il allait lui dire, il lui avoue qu’il est le meurtrier de Tyrrel, lui raconte comment, insulté, frappé en présence d’une assemblée nombreuse, il n’a pas pu résister à la honte et à la fureur, qu’il a suivi son ennemi et l’a tué, qu’un malheureux fermier et son fils, accusés du crime, ont péri sur l’échafaud sans qu’il se dénonçât lui-même pour les sauver. Le malheureux Caleb essaye de se soustraire à l’animosité de son maître en s’éloignant de sa demeure ; c’est alors qu’il se trouve en proie aux plus affreuses persécutions ; plongé dans les cachots, flétri, déshonoré, errant de ville en ville sans pouvoir trouver un appui, il lutte en vain contre la fortune et la haute considération dont jouit Falkland. Celui-ci, pour mettre son secret en sûreté, veut que Williams soit un de ces êtres dégradés auxquels on refuse toute croyance, mais il ne veut pas l’anéantir. Cependant, la force de l’esprit, la noblesse de l’âme, se développent chez Williams avec le cours de ses infortunes. Enfin, lassé de la vie qu’il traîne depuis tant d’années, il se décide à venir attaquer publiquement son persécuteur, sans preuves, sans témoins, sans autres secours pour confondre le coupable que les accents de la vérité et de l’indignation. Toujours suivi par les émissaires qu’il sait at-