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Jacopo Ortis, et sous celui d’Amour et Suicide, ou le Werther de Venise. — Cet ouvrage a une grande analogie avec le Werther de Gœthe ; c’est à peu près la même action, la même marche et le même dénoûment. La situation des deux héros est néanmoins très-différente ; l’un vit au milieu du monde et n’a à se plaindre que des distinctions de rang qui sont un obstacle à son bonheur et froissent sa vanité, tandis que l’autre est témoin des catastrophes politiques qui amènent le renversement des institutions de sa patrie. Il faut dire aussi que le fougueux Foscolo est autrement véhément que le sentimental Gœthe. L’amour de Jacopo pour sa Thérèse est une espèce de frénésie ; toute l’ardeur du sang italien se montre dans l’exaltation de son langage ; ses lettres sont moins d’un amant passionné que d’un homme en délire ; ses plaintes sont des imprécations. — Les Lettres de Jacopo Ortis, publiées à Milan en 1802, furent écrites à peu près à l’époque où le traité de Campo-Formio livrait l’État vénitien à l’Autriche. L’auteur, qui avait adopté avec enthousiasme le plan d’une république démocratique, fut pénétré de la plus profonde indignation à la nouvelle de cette convention diplomatique ; il fit passer les sentiments qui l’animaient dans son ouvrage, qui a eu à Milan le plus grand succès, mais qui fut sévèrement mis à l’index lors du rétablissement du royaume d’Italie.

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FOUCHER (Paul).


TOUT OU RIEN, in-8, 1834. — L’idée de ce livre est la double peinture d’une âme de femme douce, tendre, aimante, mais à la fois timorée, et n’osant jamais rien qu’à demi, et, tout à côté, d’une âme de jeune homme, bouillante, passionnée, jalouse, exigeante, égoïste et sombre à la façon moderne. Ces deux caractères sont vrais, et celui de la femme, de miss Hannah, intéresse par les nuances mêmes qui s’y succèdent et ne s’achèvent pas ; tout homme a rencontré ainsi dans le monde quelque femme douce, sensible, aimante, mais jusqu’à un certain degré seulement, et méfiante d’ailleurs, craintive, cédant aux considérations mondaines. Le caractère du héros, de sir James, est plus vrai qu’intéressant ; ce jeune homme, ombrageux, violent, déraisonnable, appelle sur sa tête et sur tout ce qui l’entoure un malheur qu’il crée par sa seule fantaisie ; il est organisé vivement pour aimer ; mais il gouverne mal cette puissance intérieure ; il a tout l’égoïsme aveugle de la passion, et jamais le sacrifice éclairé. Amoureux de miss Hannah, il la compromet d’abord par la fougue de ses manières ; quand elle a épousé lord Arthur, il la compromet par sa brusque invasion chez elle à l’heure de la nuit. Une