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FOÉ (Daniel de), né à Londres en 1663, mort en 1731.


VIE ET AVENTURES DE ROBINSON CRUSOÉ, traduit par Saint-Hyacinthe et Van Esseng, 3 vol. in-12, 1720-21, ou 3 vol. in-8, 1799. — Le prototype de Crusoé, Alexandre Selcraig, qui changea son nom en celui de Selkirk, était né à Largo, dans le comté de Fife, en 1676. Son père le traitait avec une sévérité que l’irrégularité de sa conduite justifiait. Il s’embarqua, déserta, s’enrôla dans une troupe de boucaniers des mers des Indes, revint en Écosse, et, s’ennuyant de vivre à terre, il repartit avec Dampierre pour les mers du Sud. Le capitaine Stralding, commandant du vaisseau à bord duquel se trouvait Selkirk, était obligé de le châtier fréquemment ; le matelot réfractaire résolut d’échapper à toute discipline. Pendant une relâche du navire à l’île de Juan-Fernandez, il se cacha dans les bois, laissa partir le vaisseau, et vécut seul dans son île. Il y passa quatre années et quatre mois. En 1709, le capitaine Rogers le trouva dans cette île, devenue son domaine et son royaume, le prit à son bord, et le ramena en Angleterre, où Steele, Daniel de Foé, et plusieurs hommes remarquables de ce temps s’empressèrent de l’interroger sur sa vie sauvage. Steele fit de ses aventures un article du Talter, et on avait déjà publié cinq narrations différentes de son séjour dans l’île de Juan-Fernandez, lorsque de Foé, couvant, pour ainsi dire, ces matériaux grossiers et les échauffant de sa verve créatrice, en fit Robinson Crusoé, roman qui jamais ne fut moins roman, beau et simple livre où l’on voit les facultés de l’homme se développer naturellement dans une situation désespérée, sous les inspirations du bon sens ; livre où tout paraît vrai, incidents, conversations et personnages. Robinson Crusoé fut refusé par tous les libraires de Londres, et il n’aurait pas trouvé d’éditeur si un ami de Daniel n’eût intercédé pour que William Taylor voulût bien payer dix livres sterling ce manuscrit méprisé !

Cet ouvrage, véritablement populaire et national en Angleterre, a été traduit dans toutes les langues de l’Europe. Il est la lecture chérie de l’enfance et de la première jeunesse, dans toutes les familles qui ne sont pas condamnées à une ignorance absolue. Quelle lecture en effet est plus appropriée aux goûts et aux besoins du jeune âge ! Elle le captive, le charme par l’intérêt tour à tour terrible et touchant des situations, et par le merveilleux naturel des aventures ; elle ouvre, étend ses idées, et surtout provoque ses réflexions sur les notions légères, mais assez fidèles qu’elle lui donne sur les arts mécaniques, la navigation, le commerce, l’étendue du globe, la variété des climats, etc., etc. Le suffrage des esprits les plus élevés n’a pas manqué à cet ouvrage amusant et si instructif à la fois. Rousseau, l’ennemi des livres,