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généraux de l’empire, fusillés à Bordeaux le 27 septembre 1815, est le sujet de ce roman. M. Feuillide a tiré un grand parti de cette touchante histoire des jumeaux de la Réolle. Les caractères mis en scène par l’auteur sont tracés et développés avec une grande énergie, avec une effrayante vérité ; le prêtre Rousseau, qui sert de pivot à l’ouvrage, offre un caractère d’une étrange férocité, dont la haine implacable ne s’arrête pas même en présence de deux tombeaux. Le procureur du roi est le vrai type de ces accusateurs publics comme l’histoire du parquet nous en a montré plusieurs dans les premières années de la restauration.

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FIELDING (Henri),
né le 27 avril 1707, mort à Lisbonne en octobre 1754.


JOSEPH ANDREWS, 4 vol. in-12, 1807 ; trad. par Lunier (traduction regardée comme la plus fidèle). L’original fut imprimé en 1743. — Fielding est, après Cervantes, de tous les écrivains, celui qui a conçu le roman avec la largeur la plus épique, avec le plus d’harmonie dans l’ensemble et dans les détails, avec la vigueur dramatique la plus prononcée. La peinture de l’humanité telle qu’elle est, grotesque, admirable, risible, triste, bizarre, incohérente, mobile ; cette peinture, soumise à une grande idée morale, mais sans jamais permettre à la moralité d’étouffer le vrai, ni aux détails de surcharger l’ensemble : tel est le roman de Fielding ; c’est celui de Cervantes ; c’est l’épopée de la prose, le roman de la vie bourgeoise. — Le roman de Paméla, publié en 1740, ayant porté la réputation de Richardson au plus haut degré, Fielding, soit qu’il fût fatigué d’entendre louer outre mesure cet ouvrage, soit qu’il recherchât ce qui intéressait momentanément le public, soit enfin qu’il fût entraîné par ce penchant naturel de malice qui nous porte à rire aux dépens de l’idole du jour, résolut de parodier le style, les principes et les personnages de Paméla, et le désir de tourner ce roman en ridicule donna naissance à Joseph Andrews. Toutefois, l’ouvrage fut infiniment meilleur qu’on ne pouvait l’attendre d’après le motif qui avait présidé à sa composition, et le lecteur y trouva un intérêt et un plaisir bien supérieur à celui que l’auteur avait eu dessein de lui procurer. — Joseph Andrews est un roman rempli d’une ironie fine et piquante, qu’on lit toujours avec plaisir à cause des excellentes peintures de mœurs qu’il renferme ; l’inimitable caractère du curé Abraham Adams suffirait seul pour établir la supériorité de Fielding sur la plupart de ses rivaux ; son savoir, sa simplicité, sa pureté évangélique, sa bonté constante, sont si heureusement alliés à son pédantisme, à