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dans l’esprit de la pauvre jeune femme que des formes indistinctes ; elle reconnaît tous les siens et oublie la forêt : puis vient sa mort. Il y a bien des charmes dans tout ce récit ; c’est une image gracieuse de ce qu’ont observé ceux qui ont vu beaucoup mourir. — La première partie de l’ouvrage est consacrée à faire connaître ce que les premiers colons eurent à redouter de la part des sauvages. L’auteur a placé dans la vallée de Wish-ton-Wish la scène de plusieurs engagements terribles des colons avec les indigènes, dont la lecture est extrêmement saisissante : la première attaque des Narragansetts au milieu de la nuit ; le repos des habitants de Wish-ton-Wish ; la ruse que les Indiens emploient pour attirer hors de leurs retranchements les prudents colons, en imitant, avec la corne suspendue à la porte d’entrée, le signal du voyageur qui implore l’hospitalité ; la mêlée furieuse qui suit le premier engagement ; l’incendie nocturne de tous les établissements, et la manière miraculeuse que les blancs emploient pour se soustraire à une mort imminente, produisent une terreur indéfinissable.

LE CORSAIRE ROUGE, 4 vol. in-12, 1827. — Ce talent de peindre la mer et la vie aventureuse qu’on y mène, déjà si remarquable dans quelques scènes du Pilote, se développe avec toute sa hardiesse dans le Corsaire rouge. Comme il y a dans l’âme de Cooper de ce poétique amour pour l’eau bleue et profonde ! Comme il décrit avec enthousiasme tous les mouvements de ce beau navire ! Comme il répand de l’intérêt et de la vie sur ce vaisseau du Corsaire, si majestueux quand il repose dans les vastes ports de l’Amérique, si rapide et si gracieux quand il court les mers, ses voiles déployées, son tillac nu et solitaire comme s’il se guidait lui-même sur une plage connue ! Un homme terrible y commande en maître. Cet homme, jeté par de violentes passions dans le métier de corsaire, se soulève, par un reste d’élévation naturelle, à l’idée du mépris qu’il inspire, mais se laisse bientôt étourdir au sentiment de sa puissance, aux émotions d’une vie pleine de dangers, au bruit de la guerre et des orages. Ce caractère singulier, qui commande et arrête le meurtre avec la même insouciance, qui s’emporte à des élans de générosité, sans en avoir le cœur plus content ni plus tranquille, qui raille avec amertume et plaisante sans gaieté, comme s’il ne pouvait tromper la tristesse qui fait le fond de sa pensée ; cette grande figure enfin est d’une étonnante énergie et s’éloigne de toutes les données, soit par des traits tous de création, soit par l’influence particulière des incidents où l’a jeté Cooper. À côté, et sur le même plan, il a placé un jeune marin, Wilder, d’une âme aussi fortement trempée, qui veut gagner ses grades en détruisant le corsaire, et vole servir sur son propre vaisseau, pour compter ses forces et le perdre. Rien n’est plus dra-