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la douceur angélique parvient quelquefois à ramener le calme entre les deux époux.

LE MODÈLE DES FEMMES, traduit par Mme E. de Bon, 2 vol. in-12, 1813. – Rien n’est plus opposé à la manière véritable de miss Edgeworth que cette composition, où l’on trouve des incidents romanesques et usés, des duels, des enlèvements, des incendies, une innocente victime de la séduction qui devient folle, et remplit tout le roman de ses discours sans suite, de ses folies sentimentales. Il y a toutefois beaucoup de talent dans la manière dont l’auteur a su porter la plus grande partie de l’intérêt sur l’héroïne, sans affaiblir celui que doit inspirer la pauvre folle.

LES PROTECTEURS ET LES PROTÉGÉS, traduit par J. Cohen, 5 vol. in-12, 1816. – En général, tous les ouvrages de miss Edgeworth, et principalement celui-ci, sont moins des romans que des portraits, des caractères, des scènes de comédie ; ce n’est point une curiosité vive, impétueuse, insatiable, qu’elle prétend exciter ; c’est un esprit observateur qu’elle veut satisfaire. Elle imagine un but moral, le poursuit à travers de fréquentes digressions, y fait souvent concourir une grande foule de personnages, oublie très-souvent et très-longtemps les principaux, y revient, et les retrouve pour les abandonner encore et aller chercher les autres, ou en introduire de nouveaux. Le premier mérite de ses romans, c’est la peinture des mœurs de la société ; c’est une analyse fine, enjouée, et cependant assez profonde du cœur humain, de ses secrets mystères et de ses nuances les plus délicates. — Lord Oldborough est un ministre anglais qui a beaucoup d’étendue dans l’esprit, d’élévation dans l’âme, de générosité dans les sentiments ; ses défauts mêmes dérivent d’une passion toujours noble, celle d’être utile à son pays ; tel est l’homme que miss Edgeworth a destiné à représenter les protecteurs et à nous en dégoûter. C’est dans la famille Percy qu’elle a mis ses principaux acteurs et ses personnages vertueux. M. Percy le père est de plus assez intéressant : c’est bien là le caractère d’un gentleman plein de probité, d’honneur, de lumières, et préférant aux faveurs de lord Oldborough, qui savait l’apprécier, sa liberté et son indépendance. Sa femme, Mme Percy, est assez insignifiante. Ses trois fils, l’un militaire, l’autre médecin, et le troisième avocat, tous les trois fort vertueux, servent, par la diversité de leurs professions et la multitude de leurs relations, à faire ressortir un grand nombre de caractères divers ; mais ils se rattachent à une foule d’incidents dont la plupart ont peu d’intérêt, et ce qu’il y a de pis, c’est que Caroline Percy, l’héroïne du roman, est d’une perfection froide qui n’inspire au lecteur qu’une froide admiration. La famille Falconner est la contre-partie de la famille Percy ; elle se compose du