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contre les lumières de son propre jugement, quelquefois même contre le cri de sa propre conscience. Vivian ne savait pas dire non ; quelquefois cependant, mais rarement, il veut se roidir contre cette pente funeste, et alors il ne manque pas de mépriser un salutaire avis pour faire voir qu’il ne se laisse point conduire, de prendre un mauvais parti pour montrer du caractère. Tel est Vivian dans sa conduite habituelle ; tel est aussi Vivian dans ses amours. Il aime d’abord une jeune personne charmante, pleine de grâces et de vertus, à qui il inspire les mêmes sentiments. De grands obstacles s’opposent à l’accomplissement de ses vœux ; il parvient cependant à aplanir ces obstacles : maître de son bonheur, il le diffère sous des prétextes assez légers, toujours épris toutefois, toujours bien décidé, à ce qu’il croit, à s’unir avec l’objet de son amour. Cependant il fait connaissance avec une coquette qu’il n’aime point, qu’il n’estime point ; cent fois il veut la quitter, mais de petites considérations l’enlacent de jour en jour, et enfin il se laisse persuader de l’enlever, ou plutôt il se laisse enlever par elle. Bientôt honteux de sa conquête, honteux de lui-même, il veut mettre ses regrets, ses remords et de nouvelles protestations d’amour aux pieds de Sélina sa première passion ; mais Sélina, éclairée sur le défaut de caractère de Vivian, le regardant comme incorrigible, désespérant de pouvoir le fixer et le rendre heureux, le plaint, l’aime toujours et le refuse. Vivian est au désespoir ; mais il ne tarde pas à devenir amoureux d’une jeune personne charmante à qui il ne peut faire partager ses sentiments, et dont il finit par épouser la sœur, à qui il a inspiré une vive passion, mais qu’il n’aime point du tout, aux bonnes qualités de qui il ne sait pas rendre justice, qu’il rend malheureuse malgré ses excellentes et généreuses intentions, et par qui il est malheureux lui-même, malgré l’amour qu’elle lui porte : le caractère des quatre femmes que Vivian aime successivement, ou qu’il croit aimer, ou qu’il espère pouvoir aimer dans la suite, offre des coups de pinceau pleins de vérité et de finesse. Telle est l’histoire très-abrégée de ses amours. Sa conduite politique, civile et sociale, offre encore plus d’irrésolutions, de contradictions et d’inconséquences déplorables, et se termine par une catastrophe plus déplorable encore.


CONTES À MON FILS, 2 vol. in-12, 1813, traduit par Th. Bertin. Le titre anglais est Contes à l’usage du peuple. – La nature humaine, lorsqu’elle est bien peinte, offre toujours des tableaux agréables et instructifs : elle est en général à peu près la même dans toutes les classes ; des nuances plus délicates et un vernis extérieur ne la changent point essentiellement au fond, et miss Edgeworth la connaît bien ; elle pénètre avec finesse dans les re-