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son château et ses domaines à une jeune parente à laquelle il était substitué, et cette parente est la femme qu’aime et qu’a épousée l’ancien comte ; mais il n’y portera plus son ennui, il sait à présent comment on arrive au bonheur, et il n’oubliera pas la recette.


FANNY, ou Mémoires d’une jeune orpheline et de ses bienfaiteurs, traduit par Joseph Joly, 3 vol. in-12, 1812. – Lord Ellincourt, jeune seigneur de Londres, avait un attachement très-vif pour une petite chienne nommée Fau ; il vint à la perdre, on fit des recherches qui n’aboutirent à aucun résultat. Un des amis de lord Ellincourt imagina de lui lire, en changeant quelques mots, un avertissement inséré dans les papiers publics, annonçant qu’une jeune fille, répondant au nom de Fanny, avait été déposée et abandonnée dans un pensionnat, qu’on se lassait de la garder, et que si on ne venait bientôt la reprendre, elle allait être renvoyée. Le lecteur infidèle substitua petite chienne à jeune fille, et le mot pendre à celui de renvoyer. Le lord furieux courut en toute hâte à la pension, où, après un quiproquo assez prolongé, l’institutrice, au lieu d’une petite chienne, amène une jeune fille de dix ans, belle comme un ange. Instruit de sa méprise, le lord est touché de la situation de la pauvre Fanny, il oublie le motif de sa visite, se déclare le protecteur de l’aimable enfant, se charge de sa fortune, et, ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est qu’il n’en devient pas amoureux et qu’il ne l’épouse pas. — Fanny diffère essentiellement des autres ouvrages de miss Edgeworth. À la peinture de caractères vrais et d’une originalité piquante, tels qu’il s’en rencontre assez souvent dans la société, elle a substitué celle de caractères ou extrêmement romanesques, ou extrêmement communs. Ses personnages sont de véritables héros de mélodrame ou d’odieux scélérats, plus faits pour figurer à la cour d’assises que dans les romans ; ou des êtres d’une perfection monotone, longtemps victimes de ces scélérats, dont ils triomphent enfin par des événements inespérés, et dont les triomphes miraculeux n’intéressent pas plus que leurs malheurs sans vraisemblance. Ces malheurs sont le fruit de mariages clandestins ; de là des parents furieux, des amants infortunés, assassinés même quelquefois ; des enfants sans nom, sans existence, sans appui, enlevés à des pères éperdus, à des mères éplorées ; des usurpations de terres et de titres ; puis viennent des duels, des coups de pistolet, des châteaux asiles des tyrans, des tours, des cavernes peuplées de religieuses, etc., etc. Enfin, les personnages morts, ou crus tels, ressuscitent ; les femmes sont réunies à leurs époux, les enfants à leurs parents, et les amants qui n’étaient pas encore mariés se marient. Après avoir lu l’Ennui, les Protecteurs et les protégés, et plusieurs autres charmants ouvrages sortis de la même plume,