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illusions mensongères de l’avenir, étend un voile perfide sur le précipice ouvert sous ses pas. Tout rit à la pauvre Ourika ; mais quand le moment fatal est venu, quand la vérité s’offre à elle dans toute son étendue, le trait cruel qui porte la lumière au fond du cœur de l’infortunée retentit douloureusement dans l’âme du lecteur ; il ne peut refuser une larme à cette jeune fille, bonne, aimante, sensible, que l’imagination dépouille si facilement des couleurs de son pays natal pour la revêtir des formes séduisantes de nos jolies Françaises : Ourika cesse d’être noire à la lecture, et voilà pourquoi on s’intéresse si vivement à son sort. Amenée du Sénégal en Europe à l’âge de deux ans, cette jeune négresse est élevée avec soin dans une famille fort riche ; admise dans l’intimité d’une grande dame, qui la traite comme son amie et comme sa propre fille, elle s’habitue de bonne heure à chérir le fils unique de cette dame, Charles, qu’elle croit aimer seulement comme un frère, et pour lequel elle éprouve sans le savoir un sentiment plus tendre. Lorsque l’amour et l’hymen donnent à Charles pour compagne la jeune et charmante Anaïs, cette union devient pour la triste Ourika le sujet d’une douleur intérieure, profonde et amère, mêlée d’envie et de remords. La jeune négresse voit l’image d’une félicité qu’elle ne doit jamais connaître : sans parents, sans amis, jetée dans un monde où personne n’a besoin d’elle ; ne pouvant verser ses peines dans un âme qui soit disposée à les comprendre et à les partager ; seule et abandonnée sur la terre ; frappée d’une sorte de proscription morale par le préjugé qui s’attache à sa couleur, elle est comme étrangère à la race humaine, elle est condamnée à la privation de tous les besoins du cœur. Tout est en harmonie dans le sort de ceux qui l’environnent ; tout est désaccord dans le sien. Elle se décide à quitter le monde et à se faire religieuse ; enfin, elle succombe à la fin de l’automne à une maladie de langueur, après avoir raconté au médecin appelé pour la soigner, et qui avait gagné sa confiance, l’histoire de ses malheurs. Cette situation et les longs et violents chagrins dont Ourika meurt victime, ont quelque chose de déchirant et de terrible.

*ÉDOUARD, 2 vol. in-12, 1825. — Édouard est le fils d’un avocat célèbre de Lyon, qui a été assez heureux dans sa jeunesse pour sauver, dans un procès fameux, la fortune et l’honneur du maréchal d’Olonne. Les rapports où les avait mis cette affaire avait créé entre le maréchal et le père d’Édouard une amitié qui depuis trente ans ne s’était jamais démentie. Édouard étant destiné au barreau, son père le conduisit à Paris, et descendit avec lui chez son beau-frère, M. d’Herbelot, fermier général, dont la maison est le rendez-vous de tous les plaisirs que le luxe procure. Présenté par son père, Édouard fut admis chez le maréchal d’Olonne,