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corrompu, et qui est victime de ses fautes et de ses passions ; les affreux malheurs qui détruisent sa destinée et le précipitent, jeune encore, au tombeau ; enfin, la leçon sévère renfermée dans cette suite d’aventures et dans le dénoûment tragique de l’histoire d’Ernest et de Marie, rend la lecture de ce roman aussi attachante qu’instructive.

LE MANUSCRIT VERT, 2 vol. in-8, 1831. — Le christianisme commence à être de mode, en l’an de grâce 1831 ; la morale est de bon ton, en théorie, bien entendu ; la pratique serait ridicule et de mauvais goût, ce serait à se faire montrer au doigt. M. Gustave Drouineau n’est pas content de la société moderne ; il se scandalise des vices qu’il coudoie tous les jours ; il prend feu et fureur à la vue des crimes qui se multiplient journellement ; il s’est donné la mission de stigmatiser les vices et de réformer le siècle. Le siècle est impie, à la bonne heure, ou tant pis, selon qu’on croit ou qu’on ne croit pas. Les religions s’en vont avec les monarchies ; cultes et lois, tout s’enfuit sous les mêmes ruines ; les rois et les dieux sont emportés par le même naufrage ; mais qu’y faire, et que voulez-vous ? De plus habiles et plus forts que vous ont dépensé le meilleur de leur génie pour arrêter le torrent. Châteaubriand, la Mennais, Joseph de Maistre, ont voulu aussi reconstruire la société par la religion, et ils ont échoué. M. Drouineau a eu meilleure espérance, et il a fait le Manuscrit vert, dont l’analyse n’est ni simple ni facile. La fable inventée par l’auteur n’embrasse pas moins de seize ans. L’action commence avec la restauration et ne s’achève qu’avec les journées de juillet. S’il fallait suivre les innombrables personnages qu’il a groupés autour des caractères principaux, la critique se réduirait à indiquer leur nombre ; nous aimons mieux en extraire le symbole philosophique, et dire que l’auteur nous a montré dans Emmanuel, le héros du livre, le spiritualisme religieux persécuté, abreuvé de dégoûts, mais heureux et content au sein même de la persécution ; et dans Cornélie, la débauche et la prostitution comme dernières conséquences du matérialisme et de l’impiété. Tous les épisodes du roman sont placés sur la route comme autant de phares lumineux destinés à conduire le lecteur vers le port où, selon M. Drouineau, se trouve la paix sereine et paisible.

Voici l’analyse de ce roman : Emmanuel de Flavigny, jeune homme de famille, est le fils d’un père qui s’est ruiné dans des spéculations, et qui ne lui a laissé pour héritage que des principes religieux consignés dans un manuscrit vert. Bon fils, franc de bouche et de cœur, timide devant les fats, spiritualiste ardent, mais dupe d’ailleurs de sa probité, de sa vertu, de ses croyances,