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DIDEROT (Denis),
né à Langres, en 1713, mort le 31 juillet 1784.


LA RELIGIEUSE, in-8, 1796 ; 3e édit., où l’on trouve une conclusion, 2 p. in-8, 1799. — Tout le monde connaît le talent que l’auteur a déployé dans ce roman. Les personnes qui ne l’ont point lu auraient tort de croire qu’il y attaque la religion ; l’héroïne y est au contraire d’une piété aussi sincère que touchante, et le prêtre qu’il fait intervenir dans l’action y est peint sous des dehors fort respectables. Voici quelle fut l’origine de cette composition : en 1758, il fut beaucoup question à Paris d’une jeune religieuse de l’abbaye de Longchamp qui réclamait contre ses vœux, et qui plaidait contre son couvent et sa famille ; elle perdit son procès et fut condamnée à mourir dans son cloître d’ennui et de désespoir. Le marquis de Croixmarre, homme sensible et philosophe, s’était intéressé pour la jeune recluse, au point de solliciter pour elle les conseillers de la grand’chambre. Quinze mois environ après la fin de ce procès, il était dans sa terre en Normandie et ne se pressait pas de revenir à Paris, lorsque ses amis, au nombre desquels étaient Diderot et Grimm, s’ennuyant de ne pas le voir, imaginèrent, pour le ramener dans la capitale, de renouveler l’aventure de la religieuse, ou plutôt d’y faire une continuation. Grimm s’accuse fort plaisamment d’avoir eu la scélératesse d’écrire, conjointement avec Diderot, des lettres par lesquelles la religieuse, qu’on supposait alors s’être enfuie de son couvent, réclamait auprès de M. de Croixmarre ses secours et son appui. Ses amis ne désespéraient pas que l’honnête marquis n’accourût en toute diligence pour donner à la pauvre religieuse tous les services qui dépendraient de lui. Ils se trompèrent, le marquis ne vint pas, mais il offrit un asile ; la correspondance s’entama, se suivit du ton le plus touchant ; après avoir soutenu cette correspondance quelque temps, les amis de M. de Croixmarre la terminèrent en faisant mourir la religieuse. Ce qu’il y eut de plaisant, c’est que sept à huit ans après, le hasard voulut que M. de Croixmarre rencontrât une dame Madin, chez laquelle la religieuse était supposée s’être retirée, et à l’adresse de laquelle le marquis envoyait ses lettres. M. de Croixmarre s’empressa de lui demander des informations sur une infortunée qui l’avait tant intéressé, et dont Mme  Madin ne savait pas le premier mot. Ce fut le moment de la confession générale des coupables et de leur pardon. — Telle est l’anecdote qui a donné lieu au roman de la Religieuse. Le fond en est vrai ; c’est l’histoire d’une malheureuse victime de la dureté de ses parents. Les mémoires de la sœur Sainte-Suzanne sont censés écrits par elle-même, et adressés au marquis