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viennent interrompre le charme ? Quand on comprend comme M. Delrieu les grandeurs et les harmonies de la nature, quand on est capable de tracer de si fines analyses du cœur, et de dessiner des figures comme celle du frère Christophe, on n’a pas besoin de recourir à la hideuse passion de Van-Ullen, ni aux mystères incestueux de la rue Kipdorp, pour émouvoir la fibre du lecteur ; on doit abandonner à l’incapacité stérile la ressource d’imaginer des monstres, faute de pouvoir créer des hommes, et laisser ensevelis dans les colonnes des journaux judiciaires, ces tristes récits qui constatent dans quel abîme de dégradation la nature humaine peut descendre.

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DENIS (Jean-Ferdinand), né à Paris, en 1798.


HISTOIRE D’UN MARIN, in-18, 1829. (Réimpression d’André le voyageur, in-18, 1827). — André, le héros de cette nouvelle, épris d’amour pour la vie de marin, sacrifie à cette passion le bonheur que la nature lui réservait sous le toit paternel, et que l’hymen lui promettait dans les bras de la douce Marie. Après une destinée longtemps troublée et agitée comme les mers qu’il a parcourues, il rentre dans sa patrie où il ne trouve que l’isolement : de toute sa famille il ne lui reste plus qu’un souvenir. — La fable de ce petit roman est très-simple, mais pleine d’un doux intérêt ; rien de mieux senti, de mieux exprimé, que le double penchant qui tantôt pousse André vers de lointains voyages, et tantôt le ramène vers les lieux où il espère retrouver les objets de sa tendresse.

LUIZ DE SOUZA, 2 vol. in-8, 1837. — La principale idée de ce livre, c’est la maladie d’une âme à qui ne suffisent ni la terre, ni l’homme, ni Dieu, et qui veut savoir ce que n’enseigne ni la science ni la religion. Le marquis de Kleist est un seigneur allemand au service de Sébastien, roi de Portugal. Sa fortune est immense, mais sa science est plus grande encore, et sa curiosité n’a pas de bornes. Cet homme a tout lu, il a été partout, il a tout fait ; apostasiant pour surprendre les dogmes d’un autre culte ; macérant son corps pour communiquer avec les génies, égorgeant des enfants pour interroger le silence de la mort, et concentrant dans l’amour d’une femme ces effrayants désirs, dans l’espoir de faire sur cette âme des expériences cabalistiques. Kleist aime dona Magdelena, épouse de don Juan, qui a donné son cœur à Luiz de Souza, embarqué dans une expédition avec le roi Sébastien, expédition où ce monarque perd la vie et où don Luiz est fait prisonnier. Kleist, par son or et par ses intrigues, s’efforce en vain d’acheter Luiz comme esclave ; Luiz est sauvé par Leïla, esclave