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rejoindre : il fit décharger sur elles les caronades encore chargées, coupa le câble, hissa une voile, et gouverna de manière à faire échouer le navire sur les vases molles de la Charente. Le lendemain, à la marée haute, il fut ramené dans le port. Ce magnifique trait est la base du livre. La fin de Mathias ne répond point à son héroïque début : la jalousie, l’intrigue, enlèvent ce noble adolescent à la marine ; il se fait corsaire et meurt pirate.

LE BANIAN, 2 vol. in-8, ou 4 vol. in-12, 1835. — En ouvrant ce livre, le lecteur s’embarque sur le joli trois-mâts Toujours le même, capitaine Lenclume, en charge pour Saint-Pierre Martinique. Ce navire se nommait autrefois le Grand Napoléon ; mais la restauration est venue, le capitaine a reçu l’ordre de faire disparaître ce nom séditieux, il a obéi avec douleur et avec esprit, et il a nargué la censure en intitulant son navire Toujours le même. Ce n’est pas tout : le capitaine Lenclume qui, à terre et dans le port, est obligé de se soumettre aux lois, retrouve en pleine mer toute son indépendance ; il restitue à son navire son ancien nom le Grand Napoléon ; le buste de l’empereur est replacé à la poulaine, et le drapeau tricolore flotte au mât d’artimon. Cette conduite hardie du capitaine ne lui a jamais attiré le moindre désagrément ; mais cette heureuse chance doit avoir un terme. Il a enrôlé en qualité de cuisinier, un jeune homme qui s’est présenté pour en remplir les fonctions, et qui en ignore les premiers éléments : c’est un espion qui le dénonce. Le capitaine perd sa commission et son commandement. Arrivé à la Martinique, le cuisinier se fait négociant, et reçoit des naturels de l’île le nom de Banian, injurieux sobriquet qu’on donne dans les Antilles aux industriels subalternes. Habile, rusé, sans scrupule, il se tire d’affaire, et, à force de mauvaise foi, d’activité, de fraudes, il parvient à un magnifique succès ; puis la banqueroute le frappe, et le malheureux Banian est obligé de prendre la fuite, et de s’embarquer clandestinement sur le brick l’Oiseau de nuit, joli corsaire buénos-ayrien, commandé par un jeune et brave marin français, que l’on désigne sous le nom de l’Invincible. Lorsqu’on a gagné la pleine mer, l’Oiseau de nuit prend le nom d’un brick français, le Scorpion ; l’équipage prend des habits d’uniforme français, et le brick aborde à Cumana, où il est reçu avec tous les honneurs qui lui sont dus. Pour reconnaître ce brillant accueil, le capitaine offre aux dames de la ville un bal à son bord ; le brick est magnifiquement pavoisé, et des essaims de femmes, étincelantes de pierreries, se rendent en foule à son invitation. Mais pendant que les pieds légers des danseuses voltigent sur le pont, que l’or des joueurs se répand sur les tapis verts, le brick met à la voile ; tous les hommes et toutes les vieilles femmes sont dépouillés de leur or et de leurs bijoux, jetés