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anglaises, a été grand quand ils ont lu l’ouvrage publié par M. de Châteauneuf. Que l’Angleterre ait ses Messalines, ses Faustines et ses Julies, c’est le sort de toutes les vieilles nations ; qu’une duchesse se passionne pour son cocher ; que de très-grandes dames préfèrent un joli jockey ou un grand laquais à un lord peu galant et souvent peu aimable, c’est ce qu’on trouverait sur d’autres rives que celles de la Tamise ; mais que dans le sanctuaire de la justice on parle un langage, on se complaise dans des détails qui révolteraient dans un roman libertin ; que le juge provoque des descriptions plus qu’érotiques, et ordonne à des témoins de joindre la pantomime à des discours déjà trop obscènes ; qu’une jeune demoiselle soit interrogée sur ce qu’elle a vu par le trou de la serrure, qu’on la force à s’expliquer en termes exempts d’ambiguïté, et qu’on exige d’elle une exactitude physiologique ; que des hommes, des femmes viennent révéler les turpitudes de leurs frères, de leurs sœurs, de leurs parents, et que, pour prouver la criminal conversation, ils animent par une impudente prosopopée et fassent parler les lits, les sophas et tous les meubles favorables à la débauche, voilà ce que, dans notre Paris, tout corrompu qu’il est, nous ne connaissions pas encore ; voilà ce que M. de Châteauneuf nous a révélé dans un style plus que naïf. Dans le premier volume, on voit figurer les noms les plus imposants ; le second et le troisième volume ne contiennent que les aventures scandaleuses d’une chanteuse, d’une comédienne, de la veuve d’un miroitier et de quelques autres personnes des classes infimes de la société.

Nous connaissons encore de cet auteur : Les Favorites du roi de France, 2 vol. in-12, 1826.

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CHAUMIER (Siméon).


LA TAVERNIÈRE DE LA CITÉ, in-8, 1835. — Ce titre de tavernière n’est, entre nous, que le voile honnête d’une profession qui l’est beaucoup moins. L’auteur suppose qu’une femme, naguère séduite et trompée, s’est plongée dans l’infamie, dans le crime, afin d’y entraîner avec elle son séducteur. L’instrument de sa vengeance est une jeune et chaste fille, nommée Tiphaine, dont elle s’est emparée en noyant celle qui passait pour sa mère. Pressé de s’unir à Tiphaine, le chevalier de Saint-Fargel poignarde Isabeau, sa fidèle épouse, et quel est le résultat de ce double forfait ? un inceste. Sans le savoir, la tavernière a livré sa propre fille, le fruit inconnu de ses amours avec Saint-Fargel. Tiphaine périt par le fer, Saint-Fargel par la roue, et la tavernière par le feu. Il ne manquait plus, pour rendre le dénoûment tout à fait tragique, que de faire brûler l’auteur en compagnie de l’imprimeur.