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CHATEAUBRIAND (le vicomte Fr. Aug. de),
né à Combourg en 1769.


ATALA, ou les Amours de deux sauvages dans le désert, in-18, an IX (1800). Un sauvage américain, de la nation des Natchez, a quitté son pays pour venir en France. De retour en Amérique, il reprend ses anciennes habitudes et vieillit tranquille. Le hasard lui fait rencontrer René l’Européen, qui vient s’établir chez les sauvages, et il lui raconte son histoire. L’auteur a transporté la scène de son drame sur les bords du Mississipi, qu’il nomme le Meschacebé, circonstance qui lui fournit l’occasion de peindre, avec un admirable talent, une nature étrangère qu’il dit avoir lui-même visitée ; ce qu’on croit sans peine quand on voit la richesse et la vivacité de ses couleurs. Chactas, c’est le nom du sauvage, est fait prisonnier par une tribu ennemie de la sienne, et l’on sait quels traitements ces barbares font éprouver à leurs prisonniers ; celui-ci est réservé pour être brûlé au grand village ; son âge et sa figure intéressent les femmes, qui lui apportent divers présents. Pendant qu’on prépare la cérémonie religieuse où l’on doit massacrer Chactas, Atala en devient amoureuse, le délivre, et, pour ne point devenir victime elle-même, s’enfuit avec lui. Les premiers essais pour fuir, la peinture des transes, des alternatives de crainte, d’espoir, d’amour, de remords qui tourmentent ces innocents fugitifs, enfin la chaleur de leur pudique amour, présentent des développements admirables. Atala, élevée dans la foi chrétienne, fidèle à un vœu de virginité dans lequel sa mère s’est engagée pour elle, est dans une situation attachante, et que l’auteur a heureusement développée… « Cependant la solitude, la présence continuelle de l’objet aimé, nos malheurs même (car le malheur augmente les puissances de l’âme) redoublaient à chaque instant notre amour ; les forces d’Atala et les passions, en abattant son corps, allaient triompher de ses vertus chrétiennes. Elle priait continuellement sa mère, dont elle avait l’air de vouloir apaiser l’ombre irritée. Pour moi, épuisé de fatigues, brûlant de désirs, et songeant que j’étais peut-être perdu sans retour dans ces forêts, cent fois je fus prêt à saisir mon épouse dans mes bras, etc. » Heureusement, les amants entendent sonner la cloche d’un missionnaire retiré au fond de cette sauvage contrée ; soudain le froid de l’indifférence surmonte la fougue de la passion, et la virginité d’Atala est sauvée. Ce missionnaire, nommé le père Aubry, emmène Chactas et Atala dans sa cabane. Le lendemain, les deux sauvages assistent à la messe qu’il célèbre en plein air, et ce mystère est représenté ici avec toute la grandeur dont il est susceptible ; c’est au moment du lever du soleil. « L’astre annoncé par tant de splen-