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le met en rapport avec les puissances infernales, et dont Béelzébuth est le héros, ou tout au plus aux idées grotesques que peuvent faire naître la passion et les transports d’un diable amoureux, est intéressé par un amour tendre et délicat. Il n’y a point d’héroïne de roman plus jolie, plus sensible, plus touchante et plus séduisante que Biondetta ; à tout l’esprit, à toutes les grâces, à tous les talents d’une femme charmante, à toute la puissance de la beauté, à tous les moyens de séduction d’une femme tendre et passionnée, elle joint les prestiges d’un ordre surnaturel, renverse les obstacles, rapproche les distances, fait naître les occasions à volonté, et profite de tout avec une grande dextérité. Le dénoûment est vague, et aussi vaporeux que tout l’ouvrage ; l’auteur, qui n’en était pas trop content lui-même, y est revenu à deux fois ; mais la seconde fois il n’a fait que l’allonger sans le rendre meilleur : peut-être même préférerait-on le premier. Puisqu’il est bien décidé que cette séduisante Biondetta n’est autre chose que Béelzébuth, on aimerait mieux que son triomphe sur Alvarez ne fût pas aussi complet ; or, dans le second dénoûment, il est aussi complet que possible.

LE LORD IMPROMPTU, nouvelle romanesque, in-8, 1771. — Cet ouvrage a été traduit en français sous le titre de Lismor, ou le Château de Clostern, 2 vol. in-12, 1800. — Richard, le héros de ce roman, est un si joli garçon qu’il passe au besoin pour une très-jolie fille, et inspire aussi aux deux sexes les plus vives passions. Mais la fortune l’a traité beaucoup moins bien que la nature : né de parents inconnus, ayant perdu une protectrice qui lui en tenait lieu, il est obligé de se faire laquais, et de cacher sous une livrée tous les beaux dons de la nature, et la brillante culture de son esprit, orné de mille connaissances et de mille talents divers. Richard devient amoureux de la maîtresse qu’il sert, jeune personne bien élevée, d’une famille distinguée, qui ne tarde pas à partager l’amour qu’elle inspire. De cet amour, fort contrarié comme on le pense bien, naissent des situations intéressantes. Richard, poursuivi par le père irrité de sa jeune maîtresse, est protégé par un être singulier, qu’il prend d’abord pour une bohémienne, ensuite pour un capitaine de hussards, puis pour sa mère, puis pour son père, puis pour sa tante, et qui joue fort bien tous ces rôles, mais celui de capitaine de hussards mieux que tous les autres. C’est cependant la mère de Richard ; séduite dans sa jeunesse par un Irlandais qui l’abandonne, elle le poursuit, et quoique grosse de quatre mois, elle l’attaque l’épée à la main pour le mettre à la raison, et le tue pour l’engager à l’épouser, ce qu’il fait d’assez bonne grâce un quart d’heure avant sa mort. — De toutes les productions de Cazotte, le Lord impromptu est celle qu’on