Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 17.djvu/443

Cette page n’a pas encore été corrigée

et la construction de la carte constituaient déjà une besogne délicate et longue. Ensuite, le plan une fois dressé, il fallut organiser un service de mise à jour ; car chez nous comme chez l’ennemi, les emplacements de troupes avec leurs ouvrages défensifs se modifiaient à tout instant sous la pression adverse. Il importait de les noter sur la carte. A cet effet, furent installés, auprès de chaque corps d’armée, des offices de reproduction qui fournissaient journellement les graphiques rectificatifs à transcrire au plan directeur. Ces rectification comprenaient les observations nouvelles reçues de toutes parts, principalement du service aéronautique. Celui-ci, pour la seule bataille qui nous rendit maîtres du Mort-Homme et de la cote 304, ne donna pas moins de cinq mille six cent quatre-vingts clichés photographiques, en août et septembre 1917.

Avec son activité ordinaire, le Service géographique parvint à livrer les quantités suivantes de plans directeurs : en 1914, trois cents ; en 1915, neuf cent treize mille ; en 1916, trois millions cinq cent sept mille ; en 1917, quatre millions quatre cent vingt-sept mille ; en 1918, quatre millions quatre cent soixante mille. Ce résultat étonnant par lui-même le devient plus encore, si l’on songe que rien de ce qui était relatif à une extension du « canevas de tir » n’avait été envisagé en temps de paix. 11 n’existait nulle part de personnel préparé à ce genre de travail. Il fallut prélever, dans les corps, un par un, les militaires que leurs occupations dans la vie civile rattachaient plus ou moins étroitement aux arts du dessin et de la topographie. Une excellente source de recrutement se trouva parmi les architectes et les géomètres. Un certain contingent provint aussi des dessinateurs industriels dans tous les genres : mécanique, étoffes, broderies ou dentelles. Dans le nombre, se rencontrèrent même des artistes-peintres, des sculpteurs dont quelques-uns étaient des prix de Rome. Ces collaborateurs venus de toutes les branches de l’art et de l’industrie se distinguèrent par une extrême bonne volonté, sans laquelle on n’aurait pu aboutir, car tout était nouveau en cette affaire, pour les chefs comme pour les subordonnés.

Déchiffrer un cliché obtenu en avion, y déceler les batteries, les abris de munitions, chose difficile en soi, le devenait chaque jour davantage en raison de ce que le camouflage se perfectionnait par des procédés de plus en plus ingénieux.