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qu’ils voudraient. Il n’est même pas établi qu’elle ait accompagné personnellement à la frontière aucun soldat ou aucun civil désireux de s’enrôler dans l’armée. Il ne peut donc y avoir au plus que tentative de trahison.

Dans sa péroraison, Me  Kirschen dénie au tribunal le droit de condamner à mort une infirmière ; si une condamnation devait intervenir, ce ne pourrait être qu’une condamnation pour tentative de trahison et non pour trahison consommée.

En résumé, d’après les documents allemands, Me  Kirschen plaida pour Miss Cavell, Mme Bodart, Severin, Derveau, Heuze et Demoustier, l’admission de complicité dans une tentative de trahison en cas de guerre et l’application de peines légères ; pour Pansaers et les époux Cavenaille, l’acquittement. D’autres avocats belges prennent encore la parole : Me  Alexandre Braun pour la comtesse de Belleville et la princesse de Croÿ, Me  Braffort pour d’autres accusés, et le lieutenant allemand Thielmann, casqué et botté, pour Mlle  Thuliez et quelques autres, dont il a été chargé d’office d’assumer la défense.

Les accusés, dit le dossier allemand, qui sont les derniers à prendre la parole, demandent tous l’acquittement ou des peines légères. Les débats sont clos. C’est en vain que Me  Kirschen tente de dire quelques paroles d’encouragement à miss Cavell. Un policier intervient qui lui rappelle les ordres formels de l’auditeur : les inculpés doivent être conduits en prison sans avoir conféré avec leur conseil. L’avocat doit se contenter de s’incliner devant elle et de lui serrer la main longuement et avec émotion.

Après la sortie des inculpés, des témoins, des défenseurs et de l’interprète, selon le dossier, l’audience principale (Bauptverhandlung) fut fixée au 9 octobre 1915.

La Cour martiale allemande, ressuscitant les usages de l’Inquisition, allait débattre et prononcer le jugement à huis clos, en l’absence et à l’insu des avocats et même des accusés.

Que de remarques nous suggère le cours de ce procès dont nous avons déjà souligné la précipitation. L’auditeur militaire, obsédé par une idée fixe : prouver l’existence d’une organisation, les protocoles des dépositions de l’instruction sous les