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s’efforce de démontrer que le patriotisme des populations en pays occupé les pousse à porter assistance aux hommes qui ont fait pièce contre les ennemis de leur pays. Ce qu’on reproche aux accusés n’intéressait guère l’œuvre allemande ; le châtiment doit être proportionné à la faute ; or, la faute ici ne fut pas un crime, ce fut un simple dommage. Il prouve qu’il ne peut être question d’organisation, puis il reprend chacune des accusations portées contre ses clients, s’attachant surtout à montrer que le témoignage d’un enfant ne pouvait être opérant contre Baucq.

L’avocat Dorff reconnaît dans ses conclusions, d’après le dossier allemand[1], que Baucq, Capiau, Libiez, Crabbé mari et femme, Hostelet, ont fait acte de complicité dans la tentative de faire passer des hommes à l’ennemi[2] et requiert pour eux une peine légère. Il demande que Cayron soit acquitté, attendu que dans son cas il ne peut s’agir que de tentative de complicité dans une trahison commise en temps de guerre[3] ; pour les autres délits imputés à Cayron, il demande une peine légère ou même l’acquittement. Pour Baucq, qui est de plus incriminé de diffusion de libelles et de transmission illicite de lettres, il requiert une peine légère.

Me  Kirschen, qui présentait la défense de Miss Cavell, s’attacha dès l’abord à démontrer qu’il n’y avait pas d’organisation, et que chacun, ayant agi séparément et pour son compte, ne devait répondre que de ses propres actes et non de ceux des autres. Il s’en suivait que les juges ne devaient pas se servir de la même mesure et de la même règle. Si les lois allemandes du Code de guerre sont impitoyables pour les soldats allemands, il est juste d’atténuer leur rigueur quand elles doivent s’appliquer aux populations civiles d’un pays occupé.

Pour ce qui est de miss Cavell, n’eût-il pas fallu pour la juger plutôt des psychologues que des juges de profession ? Il n’était pas possible qu’elle résistât au désir de venir en aide aux soldats anglais, français et belges qu’elle avait logés et cachés chez elle ou secourus de sa bourse. Si elle a prêté assistance aux dispersés c’est que, participant d’une erreur commune, elle les croyait en danger de mort. Elle ne s’est jamais occupée que de leur faire franchir la frontière, libre à eux de faire ensuite ce

  1. (1) Cf. l’Affaire Miss Cavell.
  2. Beihilfe zu dem Versuche dem Feinde Mannschaften zuzuführen
  3. Beihilfe des Kriegsverrats.