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bles et contiennent certes les soupirs les plus éloquents de son âme désolée. Il m’a beaucoup appris en m’indiquant les défauts de mes vers, ce dont je lui suis vivement reconnaissant, — son souvenir est gravé pour longtemps dans ma mémoire.

Vendredi, 3 septembre.

Une carte postale s’en va porter quelques phrases réconfortantes à ma chère femme. Il me parvient d’elle une gentille carte postale ; elle me fait connaître quelques-unes des jolies pensées de ma bien-aimée qui me procurent une douce émotion. Vers onze heures et demie, j’entends gémir et pleurer, ce qui me cause une impression bien pénible.

Samedi, 4 septembre.

De grand matin, les rayons timides et pâles du soleil étaient apparus par la fenêtre ; ils se tenaient dans le coin et paraissaient craintifs et gênés, ils projetaient sur le mur une tache jaune d’or qui se mouvait doucement et avait une partie plus accentuée, plus intense, qui correspondait avec l’ouverture du châssis de la fenêtre. Cette tache s’allongeait paresseusement et sans heurt, glissait en un mouvement imperceptible le long du mur et venait s’établir sur le parquet, d’où, comme une vraie curieuse, elle passa sur la table pour examiner mon journal ; les ombres des livres la découpèrent, tandis qu’elle m’apportait sa caresse et éclairait mon visage légèrement incliné vers le cahier.

Tout à coup, une mouche s’amène et vient se baigner dans une des taches de soleil ; elle reste un instant immobile et semble réfléchir ; paraissant avoir trouvé une charmante idée, elle s’incline un peu et manifeste son contentement en se frottant un peu les deux petites pattes de devant qu’elle passe ensuite sur sa tête qui se meut en tournant d’un côté à l’autre ; parfois elle allonge une sorte de trompe noire et attire, me semble-t-il, quelque chose de friand. Les deux petites pattes de derrière se mettent à leur tour au travail en passant et repassant sur ses ailes ; celles-ci, sensiblement plus longues que son corps, sont légères, brillantes, transparentes, et le soleil y met les couleurs de l’arc-en-ciel. Puis elle se repose sur ses petites pattes coudées, fléchies légèrement, pour permettre à la partie postérieure du corps de se poser sur la table. Au bout de quelques