Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 16.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le camarade Toone se trouve dans la cage contiguë, je me propose de mettre cette occasion à profit pour lui envoyer un billet de cent sous. Comment faire ? Nous décidons d’envelopper le billet et une pierre dans du papier et de lancer le tout pardessus le mur. Nous attendons qu’il n’y ait plus personne dans la partie centrale qui sert de dégagement aux divers préaux ; d’autre part, la sentinelle qui se promène devant la grille étant passée, Toone me signale que le moment est propice, je lance le paquet, et vlan… il tombe sur le mur… Ah ! que j’ai été maladroit !… Que faire, maintenant ? Je préviens le camarade de ce qui vient d’arriver, et lui exprime tous mes regrets d’avoir si mal réussi ; immédiatement, il résout la difficulté. Comme par un heureux hasard, on lui avait adjoint ce jour un compagnon qui s’empresse de faire la courte échelle, puis une main glisse sur la crête du mur à la recherche du précieux billet, j’indique l’endroit où il est tombé et, quelques instants après, il est découvert. Pendant ce temps le soldat était réapparu : voyant mon voisin suspendu au mur, il demanda des explications et exigea que le paquet fût ouvert devant lui, ce qui fut fait. Il apprit que cet argent devait servir à acheter une chemise et des chaussettes. Alors il s’adressa à moi en allemand, pour me défendre, si j’ai bien compris, de causer à haute voix.

Quelle sera la suite de cette affaire ? Je me le demande et je suis bien ennuyé. Mon pauvre Baucq, tu traverses une période de malchance ; souhaitons qu’elle soit suivie d’une meilleure, Je regarde par le vasistas et suis surpris de voir sortir des soldats allemands détenus. Ah ! bah ! ils ne sont donc pas si dociles que cela… Le sergent ayant aperçu mon regard indiscret me fait signe de me retirer.

Le ciel s’éclaircit. De temps en temps, le soleil parvient à fendre les nuages et projette ses rayons dorés. Je sors et on ne me dit rien. Tant mieux, il n’y avait donc pas lieu de s’alarmer lorsque le soldat vint faire son observation.

~ Vers midi, le gardien m’oblige à remettre mon couteau et mon canif. Il me semble qu’on nous prend pour des sauvages. À l’avenir, il faudra couper sa viande et son pain avec les dents…

Une mauvaise nouvelle : Toone doit quitter sa cellule pour tenir compagnie à un autre prisonnier ; heureusement que j’ai pu lui être agréable ce matin.