Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/616

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la santé de votre voyage au Mont-Dore. L’impression que vous faites ne s’efface plus. On est plus à vous, — alors même qu’on en est tenu éloigné par des circonstances bizarres ou impérieuses, — qu’on n’appartient aux gens à côté desquels on se trouve jeté. Mais quoique vous conserviez vos droits sur tous ceux qui vous ont connue, j’espère que vous voudrez bien distinguer mon dévouement. Pour moi, je regretterai toujours le temps où j’étais assez heureux pour vous voir plus souvent. Vous me puniriez trop si vous ne me laissiez pas espérer quelque part dans votre souvenir. Il me semble que je mériterai toujours d’y en conserver une. Agréez donc l’hommage respectueux de

LOUIS. »


Lettre charmante ; lettre ambiguë dont on ne peut tirer l’éclaircissement définitif d’un petit mystère sentimental. Elle n’arriva point, hélas ! sous les yeux qui l’auraient dû lire. En haut du premier feuillet, M. Le Moine inscrivit : « Cette lettre n’est pas parvenue à Mme de Beaumont. Elle a été renvoyée de Clermont-Ferrand après la fatale catastrophe. »

Clermont d’Auvergne fut, en effet, la dernière étape de la voyageuse en terre de France avant qu’elle franchît les Alpes. Fatiguée du Mont-Dore où elle n’avait trouvé que beaucoup de tristesse et peu de santé, elle s’y attardait pour préparer son passage en Italie ; et cette lettre à M. Le Moine la montre en train de prendre et de provoquer les dispositions nécessaires à ce long déplacement :


Ce 29 août[1].

« Vous m’avez tellement habituée à compter sur votre obligeance, monsieur, que je ne crains pas de vous rabâcher de ce qui m’intéresse. Si j’étais sûre que Saint-Germain[2] vous eût remis la lettre que je vous ai écrite, je me bornerais à un petit mot ; mais comme je n’ai pas entendu parler de lui depuis un mois, que j’ignore s’il est mort, malade ou endormi, je suis

  1. Inédit.
  2. De son vrai nom Germain Couhaillon. Lui et sa femme étaient les domestiques de Mme de Beaumont. Il était depuis trente-huit ans dans la maison des Montmorin. Sa femme avait accompagné Mme de Beaumont, et il était question que leur fille Cécile les rejoignît à Lyon. — « Mme Saint-Germain, vieille femme de chambre espagnole, qui la servait avec une affection digne d’une aussi bonne maîtresse. « Mémoires d’Outre-Tombe, t. II, p. 374.