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vrai ou faux, potin pareil à mille potins qui éclosent tous les jours sur les lèvres des oisifs : la jeune Mme de Beaumont aurait eu des complaisances pour « l’aimable abbé Louis[1]… » Aimable en effet, il l’était alors ; abbé de ministère et de cour, petit abbé, pourvu seulement des petits ordres, et qui avait officié comme diacre aux côtés de Talleyrand, au fameux autel de la fête de la Fédération… Lui et Mme de Beaumont ? Qu’en sait-on ? Rien, si ce n’est qu’il y eut potin, que la Correspondance secrète l’enregistra, — et, au surplus, que Chateaubriand a toujours jugé l’abbé Louis, devenu baron, et grand financier de Louis XVIII, avec une dureté qu’expliquerait peut-être quelque motif d’animosité secrète, — bref, une jalousie rétrospective.

Le destin, au surplus, paraît s’être entremis pour empêcher que Pauline de Beaumont ait revu l’abbé Louis en ces derniers mois de son existence. Elle avait quitté Paris, lorsqu’il se présenta chez elle pour répondre à la demande qu’elle lui avait fait tenir ; il se contenta donc de déposer, rue Neuve-du-Luxembourg, cette lettre destinée à rejoindre la voyageuse. Que prouve-t-elle ? Les « amateurs d’âmes » décideront. Mais sans doute M. Le Moine, aux mains de qui elle vint, comme on va le voir, se donna-t-il toujours de garde de la communiquer à Chateaubriand :


20 thermidor an XI.

« Je regrette fort, madame, de n’avoir pas reçu votre lettre assez tôt pour aller vous assurer, avant votre départ, du plaisir que j’aurais à vous donner des preuves de mon zèle.

« Je ferai pour M. Le Moine tout ce que je saurai, vous en êtes bien sûre. J’en ai déjà parlé à M. Mollien. Quoiqu’il soit fort de mes amis, je ne puis vous répondre de lui inspirer tout l’intérêt que je prendrai toujours à ceux dont M. votre père et vous auront eu à se louer : mais je vous répond (sic) du moins de n’y rien négliger.

« En attendant l’époque d’un mouvement avantageux à la Caisse d’amortissement, je mènerai M. Le Moine à M. Mollien pour (le) lui recommander d’avance, et au moment opportun je renouvellerai avec instance mes sollicitations.

« Personne ne sera plus heureux que moi de vous voir rapporter

  1. Voir le livre de M. André Beaunier : Trois Amies de Chateaubriand, pp. 36-.37.