touche mon scalpel. » C’est précisément à ce que n’atteint pas le scalpel que nous devons croire. Il n’atteint pas l’effrayante solitude des âmes. Mais est-elle si effrayante ? Par un jeu divin, elle qui sépare si bien les vivants, semble au contraire abattre la muraille devant ceux qui ne sont plus. On ne comprend vraiment les disparus que dans la solitude où ils nous ont laissés. Tant qu’ils vivaient, on ne savait quels ils étaient : à peine partis, ils deviennent la page ouverte que le cœur solitaire déchiffre tout entière et sans effort. » Ces dernières lignes des Solitudes nous annonçaient, avant que M. Estaunié s’en doutât, l’Ascension de M. Daslèvre. Mais quand la solitude n’abat pas la muraille, quand on n’entend pas les voix qui se sont tues, quand on continue de souffrir et de se révolter contre la souffrance ? À cette angoisse, notre héritage inaliénable et sublime, l’Appel de la Route répond par un acte de foi dans le monde invisible, dans une « Terre Promise. » Quel chemin parcouru !
Ne demandons pas à M. Estaunié si ce dernier roman est le terme de sa pensée. Nous l’embarrasserions peut-être. En ce moment, il est en train de se désintoxiquer des Lormier, des Manchon, des Traversot et de l’infortuné La Gilardière. Et il ignore quel nouveau drame se prépare dans son imagination. Mais soyez sûrs qu’il s’en prépare un, — et que nous avons affaire à une des plus fortes personnalités de notre temps.
FIDUS-