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Champs-Élysées aux fêtes de la Victoire, courses de chevaux : partout le goût et le parfum de la France.

Au milieu de cette allégresse, le Maréchal passe simple et souriant : sitôt qu’il est en contact avec un groupement quelconque qui le salue et l’honore, il a le don singulier de rapprocher les distances : tout ce qui est officiel devient, avec lui, cordial et familier. À peine est-il entré quelque part, qu’il n’y a plus qu’affection et tendresse, et celui-là, hier soir, exprimait le sentiment de tous qui, poussant vers lui son enfant, disait : « Embrassez-le, monsieur le Maréchal, ça lui portera bonheur ! »

Demain matin, il part pour Pnom-Penh où il va saluer le vieux roi Sisowath, le fidèle ami de la France.


Pnom-Penh, 13 décembre.

Ce matin, dès notre entrée au Cambodge, une surprise nous attendait : la longue route que nous devions suivre sur plus de 100 kilomètres était transformée en voie triomphale ; elle était décorée sur toute sa longueur de drapeaux tricolores, et au pied de chacun d’eux, distants de 50 mètres environ, un indigène posté s’inclinait, les mains jointes, au passage du cortège : dans tous les villages, des arcs de triomphe. Autour des notables, toute une population pittoresque : des petites danseuses fardées et coiffées d’une tiare, des jeunes filles, une fleur de lotus à la main, des bonzes tout rasés et magnifiquement drapés dans leurs toges jaunes, des musiciens naïfs et bruyants ; enfin, suprême honneur, les autels des ancêtres sortis sur le pas des portes parés d’offrandes et embaumés d’encens. Puis, lorsqu’à Banam, le Maréchal monte à bord d’un vapeur pour remonter le Mékong jusqu’à Pnom-Penh, 50 chaloupes toutes pavoisées l’escortent sur deux files ; et lorsque, dans le soir qui vient, les toits polychromes de Pnom-Penh apparaissent au-dessus des arbres, il est salué par 100 pirogues montées par plusieurs milliers de rameurs qui entourent son bateau en poussant des hourras sauvages, tandis que sur les quais une foule immense acclame le Maréchal et la France.

Mais tout cela n’était qu’un prélude au spectacle de ce soir.

Il faisait nuit déjà, lorsque, après le débarquement, notre cortège d’autos s’était reformé au travers des rues illuminées et remplies de foule : ces rues, déjà, semblaient une avenue