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REVUE DES DEUX MONDES.


Le 5 décembre 1831.

Votre lettre me désole, Honoré ! Elle est arrivée hier au soir, et où vous prendre maintenant ? Mon Dieu ! Mon Dieu ! Et avec cette idée que nous ne sommes pas toujours disposés à vous accueillir avec empressement ! Vous n’étiez pas dans vos jours de lucidité quand vous pensâtes pareille chose, et peut-être ne viendrez-vous pas ! Et puis, vous m’accuserez ! Honoré, je vous en veux.

Adieu, je n’ai que le temps de vous dire que je vous attends.

Zulma.


Mme Carraud n’attendit pas longtemps : à la fin du mois, Balzac arrivait à la Poudrerie. Il n’y trouva pas, comme à Saint-Cyr, des vainqueurs de Wagram et des survivants de la Bérésina, mais un brave commissaire des poudres M. Grand-Besançon qui avait voyagé en Extrême-Orient. Et, au coin du feu, il fit conter à M. Grand-Besançon les merveilles de Java. Ce furent de bons jours pour tous les habitants de la Poudrerie, et Mme Carraud ne manqua pas d’en remercier Balzac, qui, lui aussi, plein de gratitude, lui répondit :


Paris, janvier 1832.

Oh ! votre bonne lettre m’a réchauffé le cœur et l’âme. Que c’est une bonne chose que d’être aimé ! Je vous prouverai, d’ici à quinze jours, que je me suis occupé des bons jours d’Angoulême. Je vous enverrai une relation du voyage[1] que j’ai fait à Java pendant mon séjour à la Poudrerie. Il y a un exemplaire pour le bon M. Grand-Besançon, dont je n’ai pas voulu citer le nom sans savoir si mes fervents éloges ne blesseraient pas sa modestie. Mais le fait est que l’Upar, la Javane, le Bengali, le Prêtre des singes, tout cela est consigné dans la Revue des Deux Mondes ou le sera bientôt. J’espère que vous verrez bien que j’étais entre vous trois en écrivant ces lignes.

Ici, je n’ai trouvé que des ennuis. Mon article Cornélius, de la Revue de Paris, massacré par le directeur[2] ; des ennemis

  1. Le Voyage de Paris à Java ne parut qu’en novembre 1832 dans la Revue de Paris et non dans la Revue des Deux Mondes. Il y est daté d’Aix-les-Bains, septembre 1832.
  2. Maître Cornélius, publié en décembre 1831 dans la Revue de Paris dont le directeur était alors Amédée Pichot. Ce Pichot, avec qui Balzac se brouilla dans la suite, n’avait pas hésité, pour bien tomber en pages, à mutiler de ci de là Maître Cornelius.