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LA VILLE



Cette ville où jamais vous n’êtes, vous, venue
N’est plus déjà pour moi une ville inconnue.
Je la sais pierre à pierre et maison par maison ;
Je sais son air, ses bruits, son silence, le son
Que fait le pas, lent ou pressé, selon qu’il pose
Soit sur un pavé gris, soit sur un pavé rose ;
Je connais la voix de ses cloches, leur écho ;
Je sais par où l’on va square Victor Hugo,
Et cette ombre que font sur le parvis, aux dalles,
Les deux tours de l’église et leurs flèches égales ;
J’ai passé maintes fois, sur chacun de ses ponts,
La rivière ; j’ai vu les portes, les balcons,
Le mur romain et le Musée ethnographique
Où l’on admire une coiffure de cacique
Et, dans la salle dont on ouvre les volets,
Une pirogue auprès de quatre kriss malais ;
Et maintenant, je sens la tristesse stérile
D’errer seul jusqu’au soir à travers cette ville
Où peut-être, aujourd’hui, si vous croisiez mes pas,
Vos yeux et votre cœur ne vous le diraient pas.


STROPHES


Muette sur l’été qui brûle,
J’ai fermé toute la maison
Afin d’y faire un crépuscule
Hors du temps et de la saison.

Vous pouvez frapper à la porte,
Vous pouvez heurter au volet,
La voix est bien à jamais morte
Qui vers l’horizon m’appelait ;

Je ne l’entends plus me redire
Le clair message du printemps
Où l’aile de l’oiseau s’étire
Et palpite en vols triomphants,