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REVUE DES DEUX MONDES.


Tu t’arrêtes parfois, tu m’appelles, tu ris.
L’aubépine d’argent charge tes bras fleuris ;
Parfois aussi tu me devances,
Et puis tu disparais au tournant du sentier ;
L’ombre vient ; le soir tombe, et le bois tout entier
T’enveloppe de ses silences...

N’est-ce pas qu’il fut doux, ce printemps d’autrefois,
Notre printemps, tes pas, tes rires et ta voix
Que soudain l’écho rend lointaine,
Et le petit chemin juste large pour deux
Qui descendait, désert et déjà presque ombreux,
Et passait près de la fontaine ?


L’ATTENTE


Le soleil est encor derrière la montagne
Et toute la vallée avec amour l’attend...
Lumineux visiteur que la gloire accompagne,
Viens et penche sur nous ton regard éclatant !

L’arbre, avec un frisson de feuilles et d’écorces,
S’éveille du long rêve où l’a tenu la nuit,
Et l’oiseau de qui l’aile a pris de jeunes forces
Frissonne plume à plume et s’éveille avec lui.

L’herbe de la prairie et l’herbe de la rive,
Le caillou du sentier, la pierre du chemin,
La fontaine innocente et la source plaintive
Et le ruisseau qui semble presque un rire humain,

Tout ce qui songe, rit, frissonne, palpite, aime,
Tout ce qui vole, rampe, étincelle et frémit,
La terre avide, l’air, l’eau subtile, et moi-même
En qui le Dieu lassé s’est dans l’homme endormi,

Nous t’attendons, soleil que l’aurore accompagne,
Nous sommes confiants en toi dont nous vivons,
Sachant que tu es là derrière la montagne,
Et que l’ombre jamais ne vaincra tes rayons.