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LE JOURNAL D’AMÉLIE CYVOCT
(MADAME LENORMANT)
SOUVENIRS SUR MME RÉCAMIER ET L’ABBAYE-AUX-BOIS

Parmi les nombreux papiers laissés par Mme Charles Lenormant, ma grand mère, et qui, presque tous, proviennent de Mme Récamier ou se rapportent à elle, se trouvait un cahier manuscrit d’une soixantaine de pages, dans lequel Mme Lenormant avait noté les souvenirs de ses premières années. Cette sorte de journal est fort incomplet et les fragments qui en restent et que nous publions ici, correspondent à deux périodes bien différentes. Le premier est un récit de l’arrivée à Paris de la petite Amélie Cyvoct, du dernier voyage de Mme Récamier à Coppet et de son entrevue avec Mme de Staël à la veille de son exil, enfin des premiers mois de cet exil, à Châlons et à Lyon. Les autres fragments se rapportent aux années 1822 et 1823 ; ce sont des notations, prises au jour le jour, sur la vie à l’Abbaye-aux-Bois, de brefs portraits des personnes qui y fréquentaient, quelques détails sur une soirée ou une fête à laquelle avait assisté l’auteur de ce journal ; c’est ainsi qu’on y trouve de curieux renseignements sur les démarches faites par Mme Récamier en faveur des condamnés de l’affaire de Saumur, le récit d’une visite de Chateaubriand et de Mme Récamier à Mme de Genlis et de la fête qui inaugura le pavillon que Louis XVIII avait fait construire à Saint-Ouen pour Mme du Cayla, les impressions d’Amélie Cyvoct, lorsqu’elle assista pour la première fois à une représentation de l’Opéra.


Amélie Cyvoct [1], qui devait épouser en 1826 Charles Lenormant,

  1. En réalité, les noms de baptême de Mlle Cyvoct étaient Marie-Joséphine et elle les porta jusqu’à son arrivée chez Mme Récamier. Alors « il fut convenu que le nom de Joséphine que je portais n’était point joli ; d’ailleurs c’était celui de la femme de chambre de Mme Récamier, et on n’aurait jamais su, quand elle aurait parlé de Joséphine, s’il s’agissait de sa nièce ou de sa femme de chambre. Ma tante me donna le nom de son amie, la marquise de Catellanet de ce moment on m’appela Amélie. Ce nom, auquel j’ai répondu toute ma vie, que j’ai entendu prononcer avec un accent de si profonde tendresse par la douce et pénétrante voix de Mme Récamier, m’est devenu extrêmement cher et s’est si bien identifié pour moi avec moi-même que c’est un effort que d’en signer un autre, ce qui ne m’arrive que pour des actes ou des affaires. »