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spectateurs un ébranlement nerveux qui augmente encore l’effet hallucinant de ce spectacle étrange.

À 4 heures, le Maréchal prend congé du Gouverneur, et par la concession italienne, regagne le train qui le ramène à Pékin. Au jour déclinant, Tien Tsin s’illumine splendidement ; et de longues réjouissances prolongent très tard l’allégresse que la visite de Joffre a suscitée dans la cité lointaine.


6 mars.

Une réunion d’une extrême simplicité groupait ce matin la colonie française de Pékin autour du Maréchal et de notre ministre plénipotentiaire dans la cour de la Légation de France.

M. de Fleuriau prend la parole.


Nous vous prions, monsieur le Maréchal, de poser la première pierre du monument qui va être élevé ici à la mémoire des Français de Chine morts pour la Patrie. Mgr Jarlin vous a dit, l’autre jour, comment en 1914, à l’appel de la mobilisation, tous ces Français, missionnaires, commerçants, ingénieurs, employés, étaient accourus à Pékin de tous les coins de la Chine. De ceux-là, beaucoup ne sont pas revenus, et c’est à leur souvenir que nous consacrons un monument dans cette Légation, qui est le centre des Français de Chine.

Sous sa forme très simple, il sera le témoignage de l’union de tous les Français de Chine, dans le respect que nous gardons à nos glorieux morts et dans le dévouement que nous vouons tous à notre patrie. Nous sommes heureux de pouvoir associer votre nom à ce double témoignage parce que beaucoup de nos morts ont servi sous vos ordres et aussi parce que vous personnifiez à nos yeux le dévouement à la Patrie. Nous respectons et aimons en vous le patriote, dans toute l’acception de ce mot qui fut jadis inventé en l’honneur d’un de vos illustres prédécesseurs, le maréchal Vauban. Et votre présence trop brève au milieu de nous est pour chacun de nous dans sa modeste sphère une leçon vivante et un encouragement à imiter votre exemple et à nous consacrer comme vous à bien aimer et à bien servir la Patrie.

Voilà pourquoi, monsieur le Maréchal, nous, Français de Chine, tenons tant à associer votre nom à ce petit monument dont je vous demande maintenant de poser la première pierre.


Alors, accompagné du Ministre et des anciens combattants, le Maréchal scelle le bloc d’un peu de ciment, tandis que, comme soulevé par le souffle de la Marseillaise, le drapeau du 16e colonial s’enfle et flotte sur l’humble monument.