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AVEC LE MARÉCHAL JOFFRE
EN EXTRÊME-ORIENT




III[1]

LA CORÉE ET LA CHINE




LA CORÉE

20 février.

Il faut treize heures pour traverser le détroit qui sépare Nippon de la Corée. La nuit où le Maréchal quittait Shimonoseki était si recueillie, si peuplée d’étoiles, qu’elle semblait être quelque voile funèbre étendu sur ce champ de bataille naval d’il y a dix-sept ans, devenu le cimetière dominé, comme d’un mausolée, par le double rocher de Tsou Shima ; et, comme pour prolonger ce souvenir qui accompagnait les voyageurs de cette calme nuit, lorsque le paquebot entra dans la baie de Fusan, l’air était si pur, les montagnes qui la fermaient si dorées, si désertes et si grandioses, qu’on pouvait croire, en abordant l’ancien « Empire du Matin Calme, » pénétrer dans quelque royaume des morts.

Cependant, sur les quais de la gare maritime, une foule nombreuse attendait la Mission : une foule surtout japonaise, semblable à toutes celles déjà rencontrées ; des enfants, encore et toujours, agitant leurs drapeaux et criant : « Banzaï, banzaï !… » des hommes, des femmes en kimonos ; et seulement, épars parmi ceux-ci, noyés dans la masse, quelques Coréens en longues blouses de toile blanche, coiffés de minuscules chapeaux hauts

  1. Voyez la Revue des 1er avril et 15 mai.