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beaucoup plus aisées. Lorsqu’on aura déterminé les catégories d’exportations à envisager, il restera à en fixer la valeur. Il conviendra que le Comité de garantie n’accepte pas comme indiscutables les chiffres de la commission allemande chargée de contrôler les déclarations et qu’il se réserve formellement la faculté de les réviser. En un mot, le Comité des garanties n’est pas au bout de ses peines. Il sera réduit à une irrémédiable impuissance, si les Gouvernements alliés ne sont pas résolus à lui donner les moyens d’action qui lui sont nécessaires. Le Conseil suprême a cru qu’en instituant, à côté de la Commission des Réparations, un organisme nouveau, qu’il a fini, du reste, après quelques hésitations, par lui demander à elle-même d’extraire de son sein, il créerait un meilleur instrument de contrôle. Il a, au contraire, dispersé et énervé l’autorité, sans donner au Comité des pouvoirs nouveaux et sans faciliter la surveillance. Il a changé des noms ; il n’a pas amélioré les choses, loin de là. La politique des réparations n’a pas fait un pas. On a proclamé que l’Allemagne aurait à payer 132 milliards ; on a prévu des séries d’obligations d’une valeur nominale correspondante ; on a décidé que les annuités fixes et variables seraient destinées au service de l’intérêt et de l’amortissement ; on a fixé les dates d’échéance ; et l’Allemagne ayant affecté de s’incliner, on a cru ou paru croire que tout était fini. Tout commence. Nous n’avons jusqu’ici qu’un papier de plus, et l’Allemagne s’est déjà mise à le déchiqueter. Le même esprit qui la pousse à ne pas désarmer, l’incite à ne pas payer. Elle spécule sur la baisse de son mark, elle s’imagine même parfois qu’une banqueroute serait une solution opportune, qui la libérerait vis-à-vis de ses créanciers et lui permettrait de revenir ensuite, pour son seul avantage, à meilleure fortune. Si les Alliés ne s’entendent pas, dès maintenant, pour déjouer ces manœuvres, M. Clemenceau, ici encore, aura eu raison : « Hier, nous étions vainqueurs. Qu’on ne nous mette pas au point de nous demander si nous le sommes toujours. »


RAYMOND POINCARE.

Le Directeur-Gérant : RENE DOUMIC.