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Saturne. Il s’ensuit, — si les idées de Lorentz et d’Einstein sont exactes, — que la masse des électrons internes des atomes doit être plus grande que celle des électrons externes, sensiblement plus grandes, car ces électrons tournent à des vitesses énormes. Le calcul montre alors que, dans ces conditions, chaque raie du spectre d’un élément chimique doit être en réalité composée d’un ensemble de plusieurs petites raies fines et juxtaposées. C’est précisément ce qui a été postérieurement (1916) constaté par Paschen qui a trouvé que la structure des raies fines est très rigoureusement celle qu’annonçait Sommerfeld. Étonnante confirmation de l’hypothèse faite : exactitude de la nouvelle mécanique !

Mais ce n’est pas tout. J’ai expliqué ici même récemment que les rayons X sont des ondes analogues à la lumière, de même origine, mais de longueur d’onde beaucoup plus courte, c’est-à-dire d’une plus grande fréquence. Donc, tandis que la lumière provient des électrons extérieurs de ce petit système solaire en miniature qu’est l’atome, les rayons X proviennent des électrons les plus rapides, c’est-à-dire les plus près du centre. Il s’ensuit que la structure particulière des raies fines, due à la variation de la masse électronique avec la vitesse, doit être bien plus marquée encore pour les raies des rayons X que pour les raies spectrales de la lumière. C’est effectivement ce que l’expérience a constaté et démontré, et les chiffres caractérisant les faits observés correspondent exactement aux calculs de la mécanique nouvelle, à la variation prévue de la masse avec la vitesse.

Il est donc établi que les phénomènes qui ont lieu dans le microcosme de chaque atome obéissent aux lois de la mécanique nouvelle, et non de l’ancienne, et qu’en particulier les masses en mouvement y varient comme le veut celle-là.

L’expérience, « source unique de la vérité, » a prononcé.

Nous voilà bien loin des idées naguère courantes. Lavoisier nous a enseigné que la matière ne peut se créer ni se détruire, qu’elle se conserve. Ce qu’il a voulu dire par-là, c’est que la masse est invariable, et il l’a vérifié avec la balance. Et voici maintenant que les corps n’ont peut-être plus de masse, — si elle est entièrement d’origine électro-magnétique, — et voici en tout cas que cette masse n’est plus invariable. Cela ne veut pas dire que la loi de Lavoisier n’ait plus de sens. Il subsiste quelque chose qui se confond avec la masse aux petites vitesses.