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de la doctrine einsteinienne. Voilà qui nous démontre dès maintenant en quoi, magnifiquement, une théorie scientifique, une théorie physique se distingue d’un système philosophique arbitraire et plus ou moins cohérent.

L’expérience, juge souverain, décide en faveur de la mécanique einsteinienne, contre la mécanique classique. Nous en verrons d’autres exemples. Nous n’en trouverons aucun qui prononce en sens contraire.

Mais voici bien autre chose. La nouvelle loi de composition de vitesses, et l’existence d’une vitesse limite égale à celle de la lumière, peuvent s’exprimer dans un langage différent de celui que nous avons employé jusqu’ici. Nous n’avons jusqu’ici parlé que de vitesses, de mouvements ; voyons comment les choses se présentent lorsque nous examinons en même temps les qualités particulières des objets en mouvement, des corps, de la matière.

Chacun sait que ce qui caractérise la matière, c’est ce qu’on appelle l’inertie. Si la matière est en repos, il faut une force pour la mettre en mouvement. Si elle est en mouvement, il faut une force pour l’arrêter. Il en faut une pour accélérer le mouvement. Il en faut une pour le dévier. Cette résistance que la matière oppose aux forces qui tendent à modifier son état de repos ou de mouvement, c’est ce qu’on appelle l’inertie. Mais les divers corps peuvent opposer à ces forces une résistance plus ou moins grande. Si une force est appliquée à un objet, elle lui imprimera une certaine accélération. Mais la même force appliquée à un objet différent lui imprimera en général une accélération moindre. Un cheval de course déployant son effort maximum délaiera plus vite, s’il porte un minuscule jockey, que s’il porte un cavalier de cent kilos. Un cheval de trait démarrera à plus grande vitesse si le chariot qu’il traîne est vide que s’il est chargé de marchandises. Vous pourrez mettre une charrette en mouvement avec le même effort qui n’ébranlerait pas un train de chemin de fer.

Lorsqu’une locomotive traînant cinq wagons démarre brusquement, la vitesse imprimée au train pendant la première seconde est (à une constante près) ce qu’on appelle son accélération. Si la locomotive démarre dans les mêmes conditions en traînant, non plus cinq, mais dix wagons identiques aux premiers (abstraction faite des frottements des roues), on remarque que l’accélération est deux fois plus petite. De là provient la