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Parmi les vérifications de la nouvelle loi de composition des vitesses, on peut en citer une qui est remarquablement frappante et qui ressort d’une expérience déjà ancienne de notre grand Fizeau.

Supposons un tuyau plein d’un liquide, d’eau par exemple, et que parcourt dans sa longueur un rayon lumineux. On connaît la vitesse de la lumière dans l’eau (qui est bien inférieure à sa valeur dans l’air ou dans le vide). Supposons maintenant que l’eau ne soit plus immobile dans le tuyau, mais coule, circule dans celui-ci avec une certaine vitesse. Quelle sera, à la sortie du tuyau, la vitesse du rayon lumineux ayant traversé ce liquide en mouvement ? C’est ce que Fizeau s’est demandé, en variant les conditions de l’expérience. La vitesse de la lumière dans l’eau est d’environ 220 000 kilomètres par seconde, c’est-à-dire qu’il s’agit ici de vitesses telles qu’il y a une grande différence entre la loi d’addition classique et celle de la mécanique einsteinienne. Or les résultats de l’expérience de Fizeau concordent rigoureusement avec la formule d’Einstein et sont en désaccord avec celle de la mécanique ancienne. De nombreux observateurs, et récemment le physicien hollandais Zeeman, ont repris avec une extrême précision l’expérience de Fizeau, et les résultats ont été identiques.

Lorsqu’au siècle dernier Fizeau fit cette expérience, on avait certes essayé d’en interpréter les résultats numériques à la lumière des anciennes théories. Mais cela avait conduit à des hypothèses tout à fait invraisemblables. C’est ainsi que Fresnel, pour expliquer les résultats de Fizeau, avait été obligé d’admettre que l’éther est partiellement entraîné par l’eau dans son mouvement, mais que cet entraînement partiel varie avec la longueur des ondes lumineuses propagées, et n’est pas la même pour les rayons bleus ou pour les rayons rouges ! Conséquence absurde et inadmissible.

La nouvelle loi de composition des vitesses donnée par Einstein rend compte, au contraire, immédiatement, et avec une extrême exactitude, des résultats de Fizeau. Ceux-ci sont en contradiction avec la loi classique. Ainsi les faits, arbitres et critères souverains, montrent ici que la mécanique nouvelle correspond à la réalité, l’ancienne non.

El voilà qui déjà nous fait toucher du doigt la beauté, la vérité profonde (la vérité scientifique étant ce qui est vérifiable)