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syndicats chrétiens (interconfessionnels). Ces luttes ne sont plus qu’à l’état de souvenirs. « Mais on ne peut s’attendre, estime-t-il, à une fusion entre les freie Gewerkschaften (syndicats socialistes) et les autres syndicats ; le fossé qui les sépare est toujours aussi profond. » Il y a entre eux, en effet, sur le terrain moral et religieux de profondes divergences. M. Stegerwald est nettement catholique. Il est de ceux qui pensent que la religion, nécessaire à l’homme, est aussi nécessaire à l’Allemagne pour se relever. Et le relèvement moral du pays ne lui parait pas moins important que son relèvement matériel. Il repousse donc énergiquement la thèse de ceux qui voudraient faire triompher les idées de laïcisation : c’est d’ailleurs une des raisons qui expliquent les attaques dont il est l’objet.

La question religieuse est une de celles dont il est impossible de faire abstraction si on veut comprendre les préoccupations actuelles du peuple allemand. Dans les régions protestantes, l’indifférence a prodigieusement grandi. La révolution de 1918 et la chute de l’Empereur ont eu à cet égard un grave contrecoup. Beaucoup de pasteurs protestants sont de purs rationalistes. Ceux qui sont sincèrement croyants ont peu d’action sur les masses populaires. L’un des professeurs avec lesquels je me suis entretenu du problème religieux, — un protestant, — n’a pas hésité à me répondre : « Le protestantisme a fait faillite ! » Il y a sans doute en Allemagne des esprits élevés, qui désirent une réforme. L’action de ces réformateurs est en quelque sorte noyée dans le courant autrement puissant de la philosophie de Kant, dont les disciples ne croient pas à l’utilité d’une religion précise et positive. Le désarroi de l’Allemagne au point de vue moral est grand. Mais je dois ajouter qu’il y a aussi des Allemands qui, en présence des progrès de l’immoralité et de la débauche, se tournent vers la religion : le catholicisme semble en progrès. Un certain nombre de protestants, frappés de sa force morale, se sont depuis quelques mois convertis. On m’a donné des renseignements significatifs sur les associations de jeunes gens qui se proposent de restaurer la vie religieuse, et de reprendre l’étude, un peu négligée, du dogme et de la liturgie. Ces jeunes gens paraissent se bercer de l’espoir de concilier la conception catholique avec une admiration pour le germanisme qui, — a l’appeler par son nom, — n’est autre aujourd’hui que le prussianisme. On sait la place énorme que cette