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la deuxième seconde, puisque la vitesse était la même que celle de l’observateur. De ce que le mouvement apparent du corps est pour cet observateur, pendant la deuxième seconde, ce qu’il était pour nous pendant la première, la mécanique classique concluait que sa vitesse doublait pendant cette deuxième seconde. Elle avait tort ; elle ne savait pas ce qu’Einstein nous la appris, que le temps et l’espace dont se sert cet observateur sont différents des nôtres. Qu’est-ce qu’une vitesse ? C’est l’espace parcouru pendant une seconde. Mais l’espace que mesure ainsi notre observateur en mouvement, et qu’il croit avoir une certaine longueur, est, en réalité, pour nous immobile, plus petit qu’il ne croit, parce que les mètres dont il se sert, sont — nous l’avons montré, — raccourcis par la vitesse, sans qu’il puisse s’en apercevoir.

Et alors les vitesses ne s’ajoutent plus exactement et au-delà de toute limite, comme le voulait la mécanique classique, par rapport à un observateur donné. Sous l’action d’une même force, disait l’ancienne mécanique, un corps subira toujours la même accélération, quelle que soit la vitesse déjà acquise. Sous l’action d’une même force, dit la mécanique nouvelle, le mouvement d’un corps s’accélérera d’autant moins qu’il sera plus rapide.

Voici par exemple un mobile. Dans le langage des physiciens, ce mot n’a pas du tout le même sens que pour les moralistes, puisque, pour les premiers, il signifie un corps en mouvement, et pour ceux-ci au contraire ce qui met un corps en mouvement ! Sans m’appesantir sur toutes les réflexions que suggère cette antinomie verbale, qui n’est qu’un exemple de tout ce qui sépare la morale de la physique, je tiens à préciser que je prends ce mot dans le sens des physiciens. Soit donc un mobile animé par rapport à moi d’une vitesse de 200 000 kilomètres par seconde. Sur ce premier mobile plaçons un observateur. Celui-ci projettera dans le même sens, et dans les mêmes conditions que nous avons fait, un deuxième mobile qui aura donc par rapport à lui une vitesse de 200 000 kilomètres. Mais la vitesse résultant de ce deuxième mobile par rapport à nous ne sera pas, comme le voudrait la mécanique classique, 200 000 + 200 000 = 400 000 kilomètres par seconde. Elle sera seulement 277 000 kilomètres par seconde. Ce que le deuxième observateur en mouvement croyait être 200 000 kilomètres (parce que ses règles étaient raccourcies par sa vitesse) ne valait donc en réalité