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à savoir qu’il peut exister des vitesses supérieures à celle de la lumière dans le vide, ne correspondent pas à la réalité. Donc cette vitesse est un mur, une limite qui ne peut être dépassée.

Voyons les conséquences. Il y a à la base de la mécanique classique, telle que l’ont fondée Galilée, Huyghens, Newton, telle qu’on l’enseigne partout aux lycéens, un principe fondé en dernière analyse, comme tous ceux de la mécanique, sur l’expérience, — c’est celui de la composition des vitesses. Si un navire fait en eau calme du 10 kilomètres à l’heure et qu’il descende un fleuve dont la vitesse est de 5 kilomètres à l’heure, la vitesse du navire par rapport au rivage immobile sera, comme on peut le mesurer et le constater, égale à la somme de ces deux vitesses, c’est-à-dire à 15 kilomètres à l’heure. C’est le principe de l’addition des vitesses. D’une manière plus générale, si un corps part du repos et sous l’action d’une force prend en une seconde une vitesse V. que va-t-il faire, si l’action de la force se prolonge pendant une deuxième seconde ? Il prendra, d’après la mécanique classique, une vitesse 2 V[1].Supposons, en effet, un observateur animé d’une vitesse de translation V et qui se croit au repos. Pour lui, à la fin de la première seconde le corps parait au repos (puisqu’il a la même vitesse que l’observateur). En vertu du principe de relativité classique, le mouvement apparent de ce corps doit être le même pour notre observateur que si ce repos était réel. C’est-à-dire qu’à la fin de la deuxième seconde, la vitesse relative du corps par rapport à l’observateur sera V, et comme l’observateur a déjà une vitesse V, la vitesse absolue du corps sera 2 V. On verrait de même qu’elle serait 3 V au bout de trois secondes, 4 V au bout de 4 secondes et ainsi de suite. Elle pourrait donc croître au-delà de toute limite, si la force agit pendant assez longtemps ? Oui, dit la mécanique classique. Non, dit Einstein, puisqu’aucune vitesse ne peut dépasser celle de la lumière dans le vide.

Nous avons supposé tout à l’heure un observateur qui possède la vitesse V par rapport à nous et qui se croit au repos. Pour lui, le corps observé était également au repos au début de

  1. Comme exemple d’une force identique agissant pendant des temps successivement égaux à 1, 2 ou 3, on peut supposer 3 canons de même calibre, mais des longueurs égales à 1, 2, et 3 et dans lesquels les charges ou plutôt leur force propulsive sont identiques et constantes. On constate que les vitesses initiales des obus sont entre elles comme 1, 2, et 3.