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Sur les terrasses, sur le lac, dans les sentiers,
Dans l’aire des vanneurs, sur le tour des potiers,
Dans le cœur des lépreux et des paralytiques,
Bruissaient en volant les phrases prophétiques.
As-tu prêté l’oreille aux mots mystérieux ?
Ah ! ce soir-là, celui qui baisait tes cheveux,
Celui qui défaillait au parfum de ta bouche
Pressentit en souffrant que ton regard changeait,
Et n’a plus possédé dans l’étreinte farouche
Qu’un corps las et lointain dont l’âme voyageait.

Dis-nous, dis-nous comment tu l’as vu, Magdelaine.
Est-ce aux heures de joie ? Est-ce à l’aube incertaine,
L’heure pâle où l’esprit contemple, les yeux lourds,
La face de la mort sous le masque des jours ?
Est-ce aux heures de deuil ? Est-ce aux heures de doute ?
Toi qui savais sa voix, sa demeure et sa route,
Songe à ceux, parmi nous, qui le cherchent en vain !
Ah ! lorsque tu pleurais sous le pardon divin,
Connaissais-tu la foule immense et prosternée,
Ames de tous les temps, de toute destinée,
Traînant leur invisible et douloureux fardeau,
Qui baisait en tremblant le bord de ton manteau ?
Connaissais-tu ceux-là qui sont dans leurs demeures,
Attendant et souffrant, interrogeant les heures,
Comme jadis, non loin du sépulcre scellé,
Doutait le groupe morne et sombre des Apôtres ?
Et ne viendras-tu pas leur crier comme aux autres :
« Ne pleurez pas !… J’ai vu le maître !… Il m’a parlé !… »