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Femmes, ils vont ainsi le suivre jusqu’au bout ;
Nous ne sommes plus rien pour eux, — le Maître est tout !
Mais vers ces ignorants qu’est-ce donc qui l’attire ?
Je dirais à Jésus, si j’osais le lui dire :
« Les Docteurs de la Loi sont ceux qu’il vous fallait,
Ces pêcheurs ne sont bons qu’à lancer leur filet ! »

La mère de Thomas branlait, sa tête grise :
« Ce royaume de Dieu, cette terre promise,
Femmes, croyez-vous donc qu’il soit si près de nous ?
Notre peuple l’attend, il l’implore à genoux,
Meurtri, mais revivant à chaque prophétie.
Jésus n’est qu’un prophète annonçant le Messie. »

Et toutes se taisaient. Dans leur cœur âpre et vain,
Le doute fermentait comme un obscur levain.

L’une d’elles pourtant songeait en elle-même :
« Ce fils de charpentier ceindra le diadème.
Il est l’Emmanuel, les signes sont flagrants :
S’il confie à mon fils la bourse des errants,
Que ne donnera-t-il dans sa royauté neuve ?
Et l’or entre nos mains coulera comme un fleuve,
L’or qui hante mes nuits, l’or fauve, l’or puissant,
Qui fait vaincre une armée et qui lave le sang. »

Un sourire entr’ouvrait ses lèvres ambiguës,
Et les femmes voyaient ses prunelles aiguës
Danser devant la flamme, et ne comprenaient pas
Pourquoi riait ainsi la mère de Judas.


A MARIE-MAGDELAINE


Dis-nous comment tu l’as rencontré, Magdelaine.
Dis-nous quand tu le vis pour la première fois.
L’Évangile se tait sur la page lointaine,
Mais la page toujours frémit entre nos doigts ;
Et dans cette bleuâtre et douce Galilée