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Ayant à parler du théâtre contemporain, on m’avertit qu’il n’était pas nécessaire de raconter des pièces que chacun connaissait. Et, dans les conversations mêmes, j’ai à chaque instant noté les signes de cette connaissance de notre littérature. L’un se flattait de posséder la collection de la Revue depuis l’origine. L’autre me parlait des écrivains les plus récents.

Notre langue est non seulement parlée, mais écrite ; Quelle n’a pas été ma surprise en apprenant, par hasard, qu’une des plus charmantes jeunes femmes de Montevideo, Mme Castro de Lerena Acevedo, compose en français des vers qui circulent sous le manteau. J’en voudrais citer au moins quelques-uns.

— Qui pleure à ma porte ?
— C’est le Souvenir.
— Pour une âme morte
Pourquoi donc venir ?

— C’est la mort qui passe ?
— Ce n’est que ton cœur.
— Je suis à sa place,
Répond la Douleur.

On frappe, il me semble.
— C’est le pâle Oubli.
— Prends ma main qui tremble,
O mon seul ami !

Qui souffre en silence ?
— Ton amour blessé.
— Sous la terre immense
S’endort mon passé.

Qui chante à ma porte ?
— L’Espoir immortel.
Ouvre, je t’apporte
L’Amour éternel.

Et ces deux strophes encore, d’un rythme si ferme, et si large, et si pur :

Et je viens maintenant, comme la Madeleine
Qui près de Jésus-Christ dénoua ses cheveux,
Dérouler à vos pieds la merveilleuse chaîne
De mon mystique amour de vestale sereine
Gardant le feu sacré sous les regards des Dieux,