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Hors du théâtre, la musique n’existe guère. Il n’y a pas, à ma connaissance, d’orchestre symphonique permanent à Montevideo. Et parmi les compositeurs, je n’ai à signaler que M. Broqua, auteur d’œuvres charmantes et qui a été à Paris l’élève de la Schola. — On ne doute pas que la peinture donne une école originale. Elle a une raison de fleurir qui se retrouve à l’origine de toutes les grandes écoles : il y a à Montevideo une lumière absolument particulière, à la fois très haute et perlée. Cette même hauteur du ciel, qui semble un trait tout à fait américain, se retrouve à New-York. Mais la lumière qui tombe sur New-York est froide, dure et creuse. A Montevideo, avec la même pureté, la lumière est enveloppée d’une sorte de brume. Les jaunes-pâles, les bleus en vapeur font avec la verdure claire une harmonie très subtile. Pour la’ traduire, toute une pléiade de jeunes peintres est prête. Beaucoup ont étudié à Paris, et j’ai eu la surprise de retrouver au petit musée de Montevideo des vues du Luxembourg. D’autres ont travaillé aux Baléares, avec S. Rusiñol, et font en Uruguay un petit foyer d’art catalan. Il faut ajouter enfin qu’il y a dans l’art ancien des Indiens guaranis les éléments d’une école ornementale, que le hasard de la mode amènera peut-être un jour à Paris. Deux motifs y sont particuliers : d’abord une grecque, souvent très jolie, tracée comme une cursive sur la panse des vases, de sorte que la pensée de l’ouvrier abandonnant sa main distraite, on voit le motif refléter cette distraction, et fléchir comme une écriture sentimentale ; ensuite une interprétation décorative du visage humain avec un nez en U raccordé aux yeux et une bouche en grille par-dessous ; ce motif est une variété infinie, et souvent très décoratif.


VIII. — VERS LA FRANCE

J’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de montrer comment les Orientaux aimaient la France. Mais il y aurait de l’ingratitude à ne pas y insister. Appelé à Montevideo par une fondation généreuse de M. L. Supervielle, dont l’attachement à son pays d’origine s’est traduit de cent manières, j’ai eu la surprise de voir dans la salle des Actes de l’Université un public jeune, qui non seulement comprenait notre langue, mais qui suivait au-delà du langage les nuances les plus légères du sentiment..