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qu’on le juge, on ne peut méconnaître la vigueur de son impulsion.

Après cent années de guerres ininterrompues, on comprend que l’Uruguay ait cherché à se donner quelque stabilité. Tout le monde était d’accord pour remplacer la vieille constitution de 1830. Celle-ci avait spécifié qu’elle ne pourrait être changée que par le vote de trois législatures successives. Ce résultat a été acquis en 1913, et M. Battle a présenté alors un projet de constitution, dont la base était le remplacement du président de la République par un Directoire. Cette proposition a amené dans le parti rouge une division. Les partisans du Directoire, ou, comme on dit, les collégialistes, donnaient comme arguments que le pouvoir presque dictatorial du président de la République, d’ailleurs contraire aux principes républicains, et dont le bon exercice dépend de la qualité de l’homme qui en est investi, serait moins livré au hasard, s’il était dans les mains de plusieurs hommes ; que les résolutions seraient mieux pesées ; que les ambitions, dont l’objet serait diminué, seraient moins âpres ; enfin que le renouvellement partiel assurerait la permanence du corps en même temps que son changement. Les adversaires du projet répondaient que le collégialisme était une institution exotique, et qu’on avait d’autant moins de raisons de l’importer qu’il avait partout donné de mauvais résultats ; que le collège se transformait aisément en oligarchie ; que les fonctions exécutives n’exigeaient pas tant de délibérations ; et qu’enfin l’expérience qu’on proposait était une nouveauté périlleuse pour l’État.

Finalement, on est venu à un compromis, d’où est sortie la nouvelle constitution, qui est entrée en vigueur le 1er mars 1919. Le pouvoir exécutif y est subdivisé. Il est exercé, d’une part, par le président de la République, d’autre part, par un conseil national d’administration de neuf membres. Ces deux titulaires du pouvoir exécutif, président et conseil, sont opposés exactement l’un a l’autre, de façon à balancer leur pouvoir et à le neutraliser.

Le président de la République est élu par le peuple, à la majorité simple des votants, la République ne formant qu’une seule circonscription ; il est nommé pour quatre ans, et ne peut être réélu avant la fin d’un intervalle de huit ans. Ses fonctions, énumérées dans l’article 79, sont rangées sous vingt-quatre titres.