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avoir pour résultat une réglementation meilleure, en même temps qu’une augmentation considérable de la production. Sous le nom de Planwirtschaft, il proposait, il y a quelques mois, toute une organisation qui devait grouper en associations fortement constituées les industries d’une même branche. M. Rathenau a fait de réels efforts pour chercher comment peut être réalisée « la conciliation des intérêts de la collectivité avec ceux de l’individu. » Que pense-t-il donc de la situation actuelle et de la légitimité de nos revendications ? Trouve-t-il, lui aussi, que nous ayons fait à l’Allemagne des conditions tellement injustes qu’elles soient inacceptables ? « La guerre, m’a-t-il dit, a laissé derrière elle une plaie qu’il faut cicatriser : cette plaie, ce sont vos régions dévastées. Tant qu’elles ne seront pas remises en état, aucune entente durable ne sera possible entre nous. Je veux travailler, dans toute la mesure de mes forces, à effacer les traces de ces dévastations. Ne convient-il pas que la France et l’Allemagne étudient de concert ce qui peut être fait ? Nous sommes prêts pour notre compte à vous offrir notre collaboration. » Sachant bien d’ailleurs la défiance que nous inspirent ces propositions, M. Rathenau m’a parlé de l’utilité qu’il pourrait y avoir à fonder maintenant des sociétés d’entreprises communes, et du désir qu’il éprouvait de fournir des prestations en nature. « Ces prestations sont d’autant plus naturelles, a-t-il ajouté, que vous ne pouvez pas livrer vous-mêmes tous les matériaux qui vous sont nécessaires. Et ces livraisons que nous vous offrons, nous vous les ferons le plus rapidement possible. Le problème des réparations, — il a de nouveau développé cette idée au Congrès de la Presse qui s’est tenu à Hambourg, — n’est-ce pas en réalité le problème de la reconstruction du monde, problème immense qu’on ne peut résoudre qu’en admettant l’idée d’une solidarité de souffrance, et comprenant que la restauration d’un pays est impossible si le rétablissement des autres pays dans une situation économique satisfaisante ne se produit pas également ? Vous voudriez que l’Allemagne payât toutes les sommes qui sont nécessaires pour la remise en état du monde ; mais elle n’a ni or, ni matières premières ; elle ne peut payer qu’en travail ; il faut admettre l’idée d’une solidarité internationale, si l’on veut que l’Allemagne s’acquitte de sa dette. »

Ce sont là considérations générales et philosophiques. J’ai cherché à savoir ce qu’en pensent les Allemands eux-mêmes : la