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encourager ; l’État, au lieu d’être l’acheteur unique, percevrait l’impôt sur les feuilles à la sortie de la ferme et laisserait les cultivateurs les vendre ensuite à leur gré au commerce.

On objectera aussi que l’octroi de bureaux de tabac constitue un moyen de rémunérer des services rendus à l’Etat. Il est aisé de répondre qu’il n’en coûtera pas davantage au Trésor d’accorder des pensions, quand elles sont dues, que d’abandonner, comme il le fait aujourd’hui, une partie du bénéfice de la vente.

Nous pourrions également faire disparaître le monopole des allumettes. Il y a quelque vingt ans, l’État a racheté, à grands frais, des fabriques qui appartenaient à des particuliers ou à des Sociétés privées. Il devrait aujourd’hui suivre une marche inverse et rendre la liberté à cette industrie, en frappant les produits intérieurs d’un droit d’accise et les produits importés d’un droit de douane. Il ne serait pas difficile de faire rapporter ainsi aux allumettes plus que les sommes qu’elles fournissent actuellement au budget.

Si nous demandons la « désétatisation, » — qu’on nous pardonne le barbarisme, — de grands services exploités ou monopolisés par l’État avant la guerre, il va de soi que nous posons en principe que tous ceux qui lui avaient été attribués au cours des hostilités devront immédiatement faire retour à l’industrie privée. Ravitaillement en blé, charbon, sucre ; approvisionnement de produits chimiques agricoles ; compte des alcools, des pétroles, des constructions maritimes, flotte d’État, que toutes ces administrations qui ont englouti des milliards passent au plus tôt dans le domaine de l’histoire ! Le souvenir devra en être gardé et les comptes mis en lumière, afin de servir d’avertissement aux générations futures.

Aux leçons tirées de notre propre expérience nous pourrions ajouter celles d’autrui. La Grande-Bretagne et les États-Unis, ces deux pays par excellence de l’initiative privée et du minimum d’étatisme, ont sacrifié, eux aussi, aux nécessités de la guerre. Ils ont tous deux mis entre les mains du Gouvernement la direction des chemins de fer. L’Amérique a voulu construire et gérer une flotte de commerce. Les résultats économiques ont été également désastreux : à elle seule, cette dernière expérience coûte 4 milliards de dollars aux États-Unis. Lorsqu’ils ont rendu les réseaux ferrés aux Compagnies particulières qui les exploitaient, la Trésorerie de Washington avait dépensé plusieurs