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Cela est vrai pour une courte période. Mais, à mesure que le mark se déprécie vis-à-vis du dollar, de la livre sterling, du franc, il se déprécie vis-à-vis de toute espèce de marchandise ; en d’autres termes, le coût de la vie s’élève, et un nombre croissant de marks devient nécessaire pour payer les achats, même à l’intérieur des frontières. Il est inutile d’ajouter que, le renchérissement des objets achetés au dehors étant instantané, à la minute même où le mark baissait, il en fallait un plus grand nombre pour acquérir tout ce qui s’importait.

Aussi voyons-nous l’index des prix, c’est-à-dire la moyenne du coût des choses nécessaires à la vie, suivre en Allemagne une marche opposée à celle qui s’observe depuis quelque temps aux États-Unis, en Angleterre et même en France. Alors que, dans ces trois pays, nous assistons à la baisse d’un certain nombre de denrées, nous les voyons monter rapidement de l’autre côté du Rhin. Déjà, au mois d’août 1921, l’index était de 156, alors qu’il était de 9,23 en 1913 ; c’est-à-dire que le prix moyen était dix-sept fois supérieur à ce qu’il était il y a huit ans.

Le mal atteint les budgets particuliers comme ceux de l’Etat et des communes. Les fonctionnaires de tout ordre et de tout rang réclament impérieusement des augmentations de traitements. Leurs dernières demandes, formulées au mois d’août 1921, impliquent un surcroît de dépense annuelle de 10 milliards de marks. Pour y subvenir, le Gouvernement dresse un programme d’impôts qui soulève de nombreuses plaintes ; il décrète des relèvements de tarifs dans le service des postes, télégraphes et téléphones et dans celui des chemins de fer. Ces relèvements, à leur tour, aggravent la cherté de la vie et ouvrent la voie à de nouvelles exigences des salariés, fonctionnaires et ouvriers. C’est une course éperdue vers la multiplication des signes monétaires, qui non seulement n’apportent aucune aide réelle à ceux qui les reçoivent, mais jettent un désordre de plus en plus profond dans la vie économique du pays.

Si cette création déréglée de billets était cependant un remède aux maux financiers, un moyen sérieux de soulager les souffrances du peuple, celui-ci devrait éprouver un mieux-être par rapport à la période antérieure et cesser de se plaindre. Il n’en est rien. La hausse universelle des prix cause un malaise grandissant. Jusque sur un domaine où il semble qu’elle