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III. — LES EFFETS DE L’INFLATION

L’exposé que nous venons de faire des vérités monétaires élémentaires nous permet de répondre très simplement à la question suivante : « Quelle est la nature de l’opération à laquelle se livre un gouvernement qui crée ou fait créer de la monnaie de papier ? Cette création engendre-t-elle de la richesse ? » Il est évident qu’elle se résout par la négative. La richesse consiste en biens consommables directement ou en valeurs échangeables contre ces biens. Parmi ces dernières, figure la monnaie. Si elle est métallique, c’est-à-dire si elle porte en elle-même sa valeur, elle est comparable aux autres biens, puisqu’elle permet de les acquérir en tout lieu. Mais si elle est de papier, il n’en est plus de même. Elle n’a sa pleine valeur, qu’autant qu’elle est remboursable à vue en métal. Dès qu’elle cesse de l’être, elle perd une fraction plus ou moins considérable de son pouvoir d’achat. Une expérience cent fois répétée et le raisonnement sont d’accord pour nous apprendre que, plus on multiplie la monnaie de papier inconvertible ut plus elle perd de sa valeur. Il n’est pas de meilleure démonstration à cet égard que la comparaison des prix d’un même objet dans deux pays dont l’un a conservé l’étalon d’or avec paiements en espèces et dont l’autre est au régime du papier-monnaie. L’expression monétaire de l’objet peut être restée la même dans le premier, et avoir vingtuplé dans le second. Qui pourrait cependant soutenir qu’une livre de coton ou de cuivre représente une autre valeur à New-York qu’à Berlin, parce qu’elle coûte là-bas autant de dollars et ici vingt fois plus de marks qu’en 1913 ?

Les 80 milliards de billets que la Reichsbank a lancés sur le marché depuis 1914 n’ont donc pas enrichi les Allemands, puisque ceux-ci ont vu le coût de la vie croître parallèlement à ce gonflement de la circulation fiduciaire. Loin de s’améliorer de ce chef, leur situation a empiré : ils souffrent du mal grave de l’instabilité des prix, de l’incertitude constante de la valeur, des difficultés incessantes des rapports avec l’étranger. La hausse du change, c’est-à-dire des monnaies avec lesquelles l’Allemand est payé des marchandises qu’il expédie au dehors, est un avantage pour lui, la baisse de ces mêmes monnaies diminue