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conservé dans les caves de la Banque émettrice. Il n’y a donc pas de raison pour que, dans une communauté où les transactions sont réglées de cette façon, une modification des prix se produise du chef de la substitution du papier au métal, puisque le premier reste échangeable à tout moment contre le second. Mais, dès l’instant où cette faculté est supprimée, le problème change d’aspect ; une différence s’établit entre le billet et l’or qu’il représente, mais qu’il ne peut plus procurer à son porteur. Toute la question de la circulation fiduciaire surgit à ce moment-là. La monnaie de papier continue à porter le même nom que la monnaie d’or. Un billet de 100 francs est censé valoir autant que cinq pièces de 20 francs. Mais pendant combien de temps cette identité va-t-elle subsister ? Si la crise qui a déterminé l’Etat à suspendre la convertibilité est passagère, il est possible que les porteurs de billets, confiants dans un prochain retour à l’état normal, ne fassent pas de différence, ou n’en fassent qu’une très faible, entre le franc-or et le franc-papier. De multiples considérations entrent en ligne de compte pour cette évaluation : on rapproche la quantité de billets en circulation du chiffre de l’encaisse qui les garantit ; on mesure la grandeur de l’effort qui est imposé à l’Etat et pour lequel il demande une aide temporaire à l’organe chargé de l’émission, que ce soit une banque ou le Trésor lui-même. Après la guerre de 1870, bien que le cours forcé, c’est-à-dire l’obligation pour les créanciers de recevoir en paiement les billets sans pouvoir les échanger contre du métal, fût établi, le billet de la Banque de France ne subit que passagèrement une perte insignifiante. Dès 1872, il était au pair du métal, bien que la reprise officielle des paiements en espèces ne dût avoir lieu qu’en 1878. Mais, si les circonstances sont différentes, si la circulation a été augmentée d’une façon excessive, si le budget est en déficit, si l’encaisse est faible proportionnellement au volume des billets, un écart s’établit entre la monnaie de papier et la monnaie de métal, bien que toutes deux portent le même nom. A partir de ce moment, l’identité d’appellation ne correspond plus à la réalité des faits ; on en arrive, comme cela commence à se produire chez nous, à parler de francs-or et de francs-papier.

Cette différence de valeur ne se manifeste pas toujours clairement à l’intérieur des frontières, tout d’abord parce que