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refaire les cruelles expériences de la Banque de Law sous la Régence, des assignats pendant la première révolution, des soviets qui submergent la malheureuse Russie sous le flot de centaines de milliards de roubles papier, et même de l’Allemagne, qui nous avait habitués à une politique économique raisonnable et qui glisse en ce moment sur la pente qui mène à l’abîme.


II. — LA VÉRITABLE NATURE DE LA MONNAIE

Une fois de plus, rappelons ce qu’est la monnaie. La méconnaissance de sa véritable nature est la source de la plupart des erreurs qui se répandent à son sujet. Elle n’est qu’un instrument des échanges. Le consentement universel de l’humanité a peu à peu éliminé de cette fonction des objets ou des matières qui l’avaient remplie au cours de périodes antérieures. Les vases d’airain et le bétail chez les anciens Grecs, les barres de sel dans le centre de l’Afrique, les pièces de cotonnade en Guinée, les paquets de tabac du Maryland, ont servi de monnaie. Il convient d’insister sur le fait que cette commune mesure des échanges avait, dans tous les cas, une valeur réelle et non pas fictive. Parmi les divers objets dont les peuples en question se servaient, ils en choisissaient un dont l’utilité leur semblait particulièrement grande et qu’ils adoptaient pour en faire l’étalon de la valeur : le prix de toute chose s’exprimait alors par l’équivalent d’une quantité déterminée de cette chose par rapport à l’unité prise comme type.

A l’heure actuelle, chez les peuples civilisés, c’est l’or qui a été accepté comme mesure de la valeur. Cet or a une valeur propre ; il est recherché en tant que métal rare et précieux, même en dehors de la fonction monétaire qu’il remplit. Combien le fait qu’il ace monopole ajoute-t-il à sa valeur propre ? C’est là un problème d’économie politique très délicat, mais que nous n’avons pas besoin de trancher pour résoudre la question qui nous occupe. Il suffit de constater le fait de l’accord à peu près universel qui s’est établi parmi les nations : d’après leurs lois monétaires, le dollar, la livre sterling, le mark, le franc, le florin, la couronne Scandinave, la couronne austro-hongroise, la livre égyptienne, la livre turque, le rouble lui-même sont un certain poids de métal jaune. Quelques législations, comme la nôtre, admettent avec force libératoire, à côté des pièces d’or,